"Liberté", le dernier tube du rappeur Soolking, est repris en chœur comme un hymne à la gloire du mouvement du peuple algérien pour son émancipation du système postindépendance. Une marée humaine jamais égalée en nombre a investi, l'espace d'une après-midi, tout le centre-ville de l'antique Cirta pour signifier l'immuable sentence citoyenne, celle de la fin du régime politique en place. Car pour leçon, les centaines de milliers de Constantinois qui ont bravé, hier, à l'instar des Algériens de toutes les régions du pays les caprices de la météo, il n'en ressort qu'une seule au-delà de la maturité politique et du sens civique qui impressionne chaque jour davantage la communauté internationale : aucun plan ne fera reculer leur détermination à chasser la caste au pouvoir, à l'Algérienne comme ils l'ont soutenu depuis le 22 février dernier et, pacifiquement ! Ce sont donc, à s'y méprendre, des scènes de joie et d'allégresse qui sont offertes par ces centaines de milliers d'enfants, de femmes et d'hommes de tous âges qui ont accaparé les moindres recoins de leur ville pour fêter les prémices de l'inéluctable fin du pouvoir mafieux et des oligarques. Troupes musicales avec tout leur arsenal d'instruments, de fantasia dans leurs plus beaux accoutrements adossant leurs étalons et pouliches savamment entretenus, des familles qui n'hésitent plus à faire participer à la fête, y compris des enfants en bas âge et même des nourrissons, des familles, des riches et des moins nantis et des… sans-abri étaient présents. Tous, d'une seule voix, ont sillonné ou plutôt ont tenté de progresser dans les principales artères de la ville, tellement la boucle s'était refermée et que l'on ne distinguait plus le début de la fin d'une procession où l'emblème national était la vedette. Et comme les marches à Constantine empruntent en général un itinéraire d'environ deux kilomètres en forme de "O", via l'avenue Belouizdad (ex-Saint-Jean) et la rue Abane-Ramdane (ex-rue Rolles) en passant par la place des Martyrs (Bab El-Oued), le parcours ne pouvait plus contenir le flux incessant de citoyens venus des quatre coins de la wilaya. La procession finira par s'immobiliser puis par bifurquer sur d'autres artères. Des chants innovants en sus du répertoire patriotique classique sont aussi entonnés sans relâche. Et de succès, "Liberté" du rappeur Soolking a fait le buzz à Constantine. Pour cause, un citoyen de la rue Abane-Ramdane a fait passer en boucle durant toute la journée, le tube du "hirak" via une véritable sono professionnelle depuis son balcon, obligeant tous les marcheurs à faire une halte et chanter "la liberté". Autre fait marquant, des centaines de bouts de papiers verts, rouges et blancs sont offerts à des manifestants pour y écrire ce qu'ils pensent afin être collés ensuite sur le mur du palais de la culture Mohamed-El-Aïd El-Khalifa sous forme de drapeau national. Kamel Ghimouze