La rue ne semble pas vouloir laisser de répit au système. Au lendemain de la mémorable marche du 22 mars qui a vu des millions d'Algériens envahir les villes du pays, la capitale avait rendez-vous hier avec une marche nationale des avocats. Coïncidant avec la Journée nationale de l'avocat, la journée d'hier a été celle où des milliers d'avocats, venus de toutes les régions du pays, ont tenu à clamer leur refus du prolongement du 4e mandat et du respect de la Constitution et des lois. Dès la matinée, les hommes de loi, revêtus de leurs robes noires, ont occupé l'esplanade de la Grande-Poste. Le verdict des avocats était sans appel. "La défense s'engage, le système dégage !", "La justice aux ordres, c'est fini ; la justice du coup de téléphone, c'est terminé" sont là quelques slogans qu'on pouvait lire sur des pancartes brandies par les avocats. Vers 11h, les avocats, après avoir forcé un premier cordon de sécurité, ont entamé leur marche en prenant par la rue Pasteur puis par le tunnel des Facultés pour aboutir à la place Audin. Là, un deuxième dispositif de sécurité les attendait pour les empêcher d'aller vers le boulevard Mohammed-V. Les protestataires n'ont pas pu forcer le cordon de sécurité, et après quelques échauffourées avec les policiers, les robes noires ont décidé de rebrousser chemin pour redescendre par la rue Didouche-Mourad et rejoindre, encore une fois, la Grande-Poste. À partir de là, la manifestation a pris de l'ampleur avec le ralliement de quelques citoyens qui demandaient aux policiers de laisser passer les avocats. Pour leur part, les avocats ont donné plus de voix en reprenant les slogans phare des manifestations de vendredi. Ils se sont mis à reprendre les slogans "Klitou lbled ya sarrakine" (vous avez pillé le pays voleurs), "Système dégage", "FLN dégage" et "Echaâb yourid iskat enydham" (le peuple veut la chute du système). Les avocats ont appelé les tenants du régime à partir : "Errahil ! Errahil !" (départ), "La littamdid" (pas de prolongation de mandat, Bouteflika, dégage !). Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a eu, lui aussi, droit à son lot de slogans l'appelant à partir. Continuant sa marche, la procession s'est ensuite dirigée vers la rue Larbi-Ben M'hidi avec une halte à la place Emir-Abdelkader au son des klaxons des automobilistes et du dernier tube de Soolking Liberté qu'on entendait d'une boutique de la place. Vers 13h30, les robes noires, après plus de deux heures de marche, ont rejoint la rue Abane-Ramdane pour tenir un sit-in devant le tribunal. Pour rappel, les avocats ne sont pas à leur première marche. En effet, depuis le début de la contestation populaire contre le 5e mandat, les avocats ont organisé plusieurs actions, dont des sit-in devant les tribunaux dans toutes les wilayas. À rappeler, également, la grande marche historique qui les a conduits au siège du Conseil constitutionnel pour réclamer le respect de la Constitution. Les avocats ne semblent pas vouloir lâcher prise. Selon certains d'entre eux, la marche d'hier était pour marquer la Journée nationale de l'avocat, mais le combat continue. D'ailleurs, on apprend qu'à l'Union des avocats algériens, le débat est déjà lancé pour réfléchir à la suite à donner à leur mouvement. En harmonie avec le mouvement populaire, l'état d'esprit des robes noires ne laisse aucune place au doute. Cela se résume dans l'un de leurs slogans scandés hier et qui précise qu'ils continueront à marcher jusqu'à la chute du système. Saïd Smati