N'écartant pas le rejet de sa solution par la rue, le vice-ministre de la Défense nationale a mis en garde contre les risques de manipulation des marches. Le général de corps d'armée, le chef d'état-major de l'ANP, vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, a réclamé, hier, dans un discours qu'il a prononcé au terme de sa visite de travail et d'inspection dans la 4e Région militaire à Ouargla, l'application de l'article 102 de la Constitution, lequel porte sur la démission du président Bouteflika ou l'empêchement après le constat de son inaptitude à exercer ses fonctions au Sommet de l'Etat pour cause de maladie grave et durable. Au regard du vice-ministre de la Défense nationale, la voie qu'il suggère est la moins périlleuse dans la conjoncture actuelle. Elle maintiendrait, a-t-il précisé, le pays dans la légalité constitutionnelle, assurerait la continuité de l'Etat et ferait écho aux revendications du peuple. "Une solution à même d'aboutir à un consensus de l'ensemble des visions et faire l'unanimité de toutes les parties", a-t-il affirmé. Les millions d'Algériens, qui sortent constamment dans la rue depuis le 22 février dernier, ne veulent, certes, plus d'Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême. Ils refusent qu'il postule à un cinquième mandat ou qu'il prolonge le quatrième au-delà de son terme légal sous le couvert d'une tutelle imposée sur la période de transition. Mais pas uniquement. Ils exigent un changement radical dans la conduite des affaires de l'Etat et surtout la chute du régime avec ses membranes vitales et ses appendices. S'accommoderont-ils de la mise en œuvre des dispositions de l'article 102 de la loi fondamentale qui supposent la propulsion du président du Sénat, Abdelkader Bensalah, au rang de chef d'Etat par intérim pendant 45 jours, puis l'organisation, si la vacance du pouvoir est déclarée définitive, d'une élection présidentielle dans une échéance de 90 jours par le gouvernement Bedoui, car le chef de l'Etat intérimaire ne peut constituer un gouvernement ? Difficile à pronostiquer. Le chef d'état-major de l'ANP, en homme avisé, n'a pas écarté l'éventualité du rejet de la sortie de crise, qu'il préconise, par la rue. Il n'a, toutefois, pas exprimé, hier, franchement ses doutes et ses appréhensions. Il s'est, en revanche, clairement échiné à inciter ses concitoyens à rester désormais chez eux, en brandissant l'épouvantail de la manipulation des manifestations. "En dépit du caractère pacifique et du civisme qui caractérisent ces marches jusqu'à présent (…) il est de notre devoir de souligner que ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur", a-t-il mis en garde. Sans identifier ces "parties malintentionnées", il leur a attribué "des manœuvres douteuses visant à attenter à la stabilité du pays". Le général-major Ahmed Gaïd Salah a jugé que le recours à l'article 102 de la Constitution préserverait "le pays d'une situation incertaine. Il est du devoir de tout un chacun de privilégier les intérêts suprêmes du pays". Les dispositions dudit article, si elles venaient à être réellement activées par le Conseil constitutionnel et confirmées par le Parlement réuni en ses deux Chambres, impliqueraient la mise entre parenthèses de plusieurs articles de la loi fondamentale, dont celui afférent à la nomination d'un nouveau gouvernement. Souhila Hammadi Extraits "(…) La situation de notre pays est marquée, en ces jours, par des marches populaires pacifiques, organisées à travers l'ensemble du territoire national, revendiquant des changements politiques. En dépit du caractère pacifique et du civisme qui caractérisent ces marches jusqu'à présent, qui démontrent la grandeur du peuple algérien, sa conscience et sa maturité, et qui a tenu à préserver l'image de marque dont jouit l'Algérie parmi les nations, il est de notre devoir de souligner que ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, qui usent de manœuvres douteuses visant à attenter à la stabilité du pays. Des desseins abjects que ce peuple conscient et éveillé saura mettre en échec. (…) De ce fait, et afin de prévenir notre pays de toute situation incertaine, il est du devoir de tout un chacun d'œuvrer avec patriotisme et abnégation, et de privilégier les intérêts suprêmes du pays, afin de trouver, dans l'immédiat, une solution de sortie de crise. Une solution qui s'inscrit exclusivement dans le cadre constitutionnel, qui constitue l'unique garantie pour la préservation d'une situation politique stable. (…) Dans ce contexte, il devient nécessaire, voire impératif, d'adopter une solution pour sortir de la crise, qui réponde aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantisse le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l'Etat. Une solution à même d'aboutir à un consensus de l'ensemble des visions, et faire l'unanimité de toutes les parties, à savoir la solution stipulée par la Constitution, dans son article 102." Art. 102.42 — Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous les moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement. Le Parlement siégeant en chambres réunies déclare l'état d'empêchement du président de la République, à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et charge de l'intérim du chef de l'Etat, pour une période maximale de quarante-cinq (45) jours, le président du Conseil de la nation, qui exerce ses prérogatives dans le respect des dispositions de l'article 104 de la Constitution. En cas de continuation de l'empêchement à l'expiration du délai de quarante-cinq (45) jours, il est procédé à une déclaration de vacance par démission de plein droit, selon la procédure visée aux alinéas ci-dessus et selon les dispositions des alinéas suivants du présent article. En cas de démission ou de décès du président de la République, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et constate la vacance définitive de la présidence de la République. Il communique immédiatement l'acte de déclaration de vacance définitive au Parlement qui se réunit de plein droit. Le président du Conseil de la nation assume la charge de chef de l'Etat pour une durée de quatre-vingt-dix (90) jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées. Le chef de l'Etat, ainsi désigné, ne peut être candidat à la présidence de la République. En cas de conjonction de la démission ou du décès du président de la République et de la vacance de la présidence du Conseil de la nation, pour quelque cause que ce soit, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et constate à l'unanimité la vacance définitive de la présidence de la République et l'empêchement du président du Conseil de la nation. Dans ce cas, le président du Conseil constitutionnel assume la charge de chef de l'Etat dans les conditions fixées aux alinéas précédents du présent article et à l'article 104 de la Constitution. Il ne peut être candidat à la présidence de la République.