Je n'ai pas toujours le sentiment que tout un chacun se rende compte de la situation économique et financière que vont trouver, ceux qui auront à gérer l'après-Abdelaziz Bouteflika, sa fratrie et son clan. En effet, l'une des premières mesures à prendre sera certainement l'audit des comptes de la nation, de manière à avoir un diagnostic réel de la situation économique et financière et des engagements que le pouvoir antérieur a pris au nom de l'Algérie. Que les choses soient claires, personne ne pourra dire à nos partenaires étrangers notamment, que l'Algérie ne reconnaîtra pas les accords, conventions, traités et autres engagements pris et que tous ces actes sont à inscrire sur les registres, en pertes et profits, du compte des autorités antérieures. Tous les institutions d'arbitrage au monde et dans les cours les mieux intentionnées ne nous reconnaîtront aucun échappatoire sur le passif conclu, avec les ex-autorités officielles, qui ont engagé notre pays durant les vingt dernières années. Au plus, elles vont, éventuellement, nous permettre de poursuivre ces dernières, dans leurs juridictions respectives ou celles multilatérales si nous présentons des dossiers solides, pour tenter de récupérer le produit de la rapine organisée comme instrument de gestion de l'Etat algérien. La procédure sera certainement longue et les résultats incertains, pour ce qui concerne le patrimoine expatrié. Cependant, le "ménage intérieur" reste possible après un audit des comptes, mené par des experts qualifiés et avec des preuves irréfutables de la prédation durant les vingt dernières années et même plus. Seul ce travail fastidieux d'expertise pourra nourrir les procédures judiciaires subséquentes, qui devront mener à des procès équitables. Les appels péremptoires voire les hurlements à des auto-saisines salvatrices, en direction des différentes juridictions, ne sont que des écrans de fumée qui cachent mal des agendas personnels et qui nous renvoient à des pratiques éhontées, que ceux-là mêmes qui les proclament ont dénoncées dans la foulée des événements politiques du moment. Il n'est pas dit que ces mêmes laudateurs ne se retrouvent pas dans la situation de défenseur (aux honoraires rondelets), de ceux qu'ils dénoncent aujourd'hui, au nom du droit à tout citoyen à un procès équitable, invoquant des principes universels du droit national et international, tout en s'excluant eux-mêmes de toutes poursuites. Quant à ceux qui prétendent "détenir des dossiers compromettants" qu'ils les déposent auprès de qui de droit, toute autre démarche étant l'équivalent d'une complicité ou d'une duplicité. Il est donc urgent, dans ce contexte politique bouillonnant, de prendre son temps et de ne pas céder à la vindicte populaire, pour éviter de corriger les erreurs passées par des erreurs du présent et futur, en faisant le jeu des opportunistes de tous bords, qui, pour des raisons bassement égoïstes d'agenda personnel surfent sur la vague des protestations de la rue. L'audit des comptes de la nation doit se réaliser dans la sérénité et sous l'autorité des lois de la République, après que les expertises soient entreprises, de manière à répondre aux aspirations populaires de justice mais jamais sous le sceau de la vengeance et des règlements de comptes. Nous nous rappelons tous les procès en sorcellerie, expédiés après chaque changement de Président et les condamnations rendues, au nom du peuple et qui se sont traduites par d'énormes "erreurs judiciaires", tirons donc de ces malheureuses expériences quelques leçons utiles. M. G. (*) Professeur associé