Dix ans de procédure encore inachevée et une première victoire judiciaire pour les frères Abdelkader et Hocine Mohamed, obtenue grâce à leur nouvelle avocate Me Khadidja Aoudia et vainement contestée par la partie civile. Quelques jours après la levée du contrôle judiciaire imposée aux deux anciens GLD de Relizane, les plaignants ont tenté d'amener le parquet à faire appel de cette décision. Peine perdue. Ainsi confortée, Me Aoudia va désormais s'employer à obtenir un non-lieu dans un dossier marqué, selon elle, par "une défaillance des juges" et "une défaillance de la défense", s'étonne l'avocate nouvellement désignée qui "n'a jamais demandé une copie de la procédure". Un dossier "construit sur des articles de presse" "On a convaincu les magistrats à partir du nombre de personnes qui ont témoigné" à charge et non à partir de faits. "Quand on examine le dossier, on se rend compte de l'absurdité de la procédure. Il fallait donc faire la jonction des incohérences pour en avoir une autre lecture", analyse Me Aoudia à Liberté. "Il apparaît tant au regard de la procédure que des règles de fond qu'une ordonnance de non-lieu s'impose", écrit-elle dans ses observations au réquisitoire définitif de renvoi aux assises des deux frères inculpés à Nîmes pour les crimes de torture et d'actes de barbarie aux préjudices de MM. Derkaoui, Aoun, Azzi et Saïdane, défendus par la Fédération internationale des droits de l'Homme. Sur le plan de la procédure, Me Aoudia note une violation de la Convention de New York contre "la torture et les traitements inhumains", texte qui fonde la plainte contre les frères Abdelkader. La justice française a omis de signaler à l'Algérie sa décision d'exercer sa compétence universelle et de lui communiquer ses réquisitoires introductif et définitif comme le stipule l'article 6 de ladite convention. Autre erreur de procédure soulevée au nom du même texte : le non-respect d'une décision rendue par la justice algérienne pour les mêmes faits. En effet, le plaignant Mohamed Smaïn, président de la section locale de la Ligue de défense des droits de l'Homme, avait auparavant dénoncé les mêmes faits contre les frères Mohamed aux autorités algériennes. Huit personnes étaient mises en examen, dont les frères Mohamed et une ordonnance de non-lieu avait été rendue par le juge d'instruction du tribunal de Oued Rhiou en date du 24 mai 1999. Selon l'avocate, "une ordonnance de non-lieu bénéficiant de l'autorité de la chose jugée, et conformément aux dispositions de l'article 692 du code de procédure pénale, MM. Abdelkader Mohamed et Hocine Mohamed ne pouvaient être poursuivis pour les mêmes faits devant les juridictions françaises". Au niveau du respect du code de procédure pénale, Me Aoudia observe "l'absence d'enquête préliminaire effective" qui a pour objet de réunir les faits à charge et à déchage. "L'enquête préliminaire a donc uniquement consisté à vérifier la domiciliation de MM. Abdelkader Mohamed et Hocine Mohamed", note-elle en mettant aussi en cause la durée de la procédure. "Près de dix ans de procédure sous contrainte sans être jugés est incontestablement une atteinte au délai raisonnable, composante essentiel du procès équitable" voulu par la Convention européenne des droits de l'Homme. Sur le fond, le dossier apparaît bien singulier puisqu'il est constitué d'articles de presse, de rapports rendus par les associations luttant pour le respect dû à la dignité humaine, l'audition d'un auteur sur les événements des années 1990 ou la liste de disparus. Autant de documents qui "ne constituent pas des éléments caractérisant la commission du crime de torture et d'acte de barbarie par MM. Abdelkader Mohamed et Hocine Mohamed". "Tout au plus, ils peuvent donner un éclairage contextuel de la décennie sanguinaire qu'a connue l'Algérie dans les années 1990." Conclusion : en l'absence d'élément à charge démontrant la matérialité, l'intention délibérée de son auteur et l'imputabilité aux personnes mises en examen, une ordonnance de non-lieu s'impose. C'est ce que Me Aoudia va demander au juge d'instruction. Dans ce dossier, les deux inculpés ont trouvé assistance auprès d'Abdallah Zekri, ancien responsable de l'Amicale des Algériens en Europe dans la région du Midi. "J'ai pris le dossier à cœur après avoir constaté que les avocats désignés n'ont pas fait leur travail. Me Aoudia a obtenu une victoire avant même de réclamer ses honoraires", déclare-t-il à Liberté. A. O Nom Adresse email