Ceux qui avaient misé sur l'essoufflement de la révolte populaire contre le système après les vaines manipulations du pouvoir ont lourdement sous-estimé la détermination du peuple à "déraciner" tous les symboles du pouvoir. À Bouira et pour le 10e vendredi de suite, une marée humaine a envahi les rues du chef-lieu de la wilaya pour réitérer sa seule et unique revendication : "Yetnahaw gaâ" (ils partiront tous). Pour célébrer cette dixième mobilisation populaire, les organisateurs ont décidé d'innover en organisant un immense rassemblement au niveau de l'ex-Cité évolutive, avant d'entamer la traditionnelle marche du vendredi. Une initiative qui a été diversement appréciée mais qui, au bout du compte, a permis d'éviter la dispersion des carrés. Les manifestants ont, encore fois, profité de "leur" vendredi pour commenter les faits marquants de la semaine, notamment l'arrestation du P-DG du groupe Cevital, Issad Rebrab. Ainsi, des slogans tels que "Chaâb maâk ya Rabrab", "Libérez Rebrab, libérez l'économie", ou encore "Non à la justice du téléphone" ont été scandés par les marcheurs. Certains d'entre eux ont repris la caricature du talentueux Ali Dilem sur laquelle il est inscrit "On a demandé Saïd et non Issad". "On assiste réellement à un règlement de comptes au sommet de l'Etat et à un détournement de nos revendications (…) Rien qu'à Bouira, le groupe Cevital fait vivre des centaines familles. Je le dis haut et fort : toute l'Algérie est avec Rebrab", certifie Djamel Tali, cadre dans une institution bancaire étatique. En outre, le message du général de corps d'armée, chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, a été accueilli avec prudence, voire avec un certain scepticisme par les marcheurs, qui n'ont pas encore digéré la "désillusion" de l'application de l'article 102 de la loi fondamentale ayant conduit à la désignation de Bensalah à la tête de l'Etat. "Gaïd Salah ne sait plus dans quel camp il est.Il ne peut plus tenir le bâton par le milieu, il doit avoir une position nette et précise. Soit il est avec nous (peuple, ndlr), soit il est avec la mafia", dira Saoudi Brahim, un syndicaliste du Snapap.