"J'ai été moi-même arrosé de gaz lacrymogène au visage", a affirmé Arezki Kecili, un des deux animateurs de la conférence. L'instauration du débat libre à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, où de nombreuses personnalités et hommes politiques ont été invités depuis le début de la révolution du 22 février, dérange, vraisemblablement, bien des parties. C'est ce que d'aucuns, à Tizi Ouzou, ont conclu, suite à l'empêchement avec usage de la violence, avant-hier mardi, d'une conférence-débat que devaient animer en soirée le Dr Mouloud Lounaouci et Arezki Kecili sur le thème : "Du mouvement culturel berbère d'avril 80 au mouvement populaire de février 2019". Selon des témoins oculaires, la conférence était sur le point de débuter à 21h lorsqu'un groupe d'étudiants a fait irruption dans l'auditorium pour exiger l'annulation pure et simple de la conférence-débat. "Ils étaient plus d'une dizaine à investir ce lieu de débat qu'est l'auditorium pour non seulement empêcher la conférence mais, plus grave encore, exprimer leur hostilité et leur volonté d'empêcher à l'avenir tout débat que compte organiser la coordination locale des étudiants ou encore les débats de l'UMMTO", nous a expliqué un témoin non sans revenir sur les faits gravissimes qui ont émaillé cette soirée. "Les organisateurs ont tenté dans un premier temps de calmer le jeu et de raisonner leurs camarades, mais sans succès. Ils annoncent alors le maintien de la conférence et la situation n'a, ainsi, pas tardé à dégénérer et à tourner à un affrontement physique entre étudiants", a-t-il expliqué, soulignant que les auteurs de cet empêchement n'ont pas hésité à faire usage d'un pulvérisateur de gaz lacrymogène. "J'ai été moi-même arrosé de gaz lacrymogène au visage", a affirmé Arezki Kecili, un des deux animateurs de la conférence, qui qualifie ce qui s'est passé durant cette soirée de "grave physiquement et politiquement". Pour lui, c'est physiquement grave car cela s'est produit dans une enceinte universitaire où le libre débat et le dialogue doivent logiquement primer sur tout, et c'est politiquement encore plus grave en raison du contexte politique actuel du pays où la moindre violence risque de se propager et de porter atteinte au caractère pacifique de ce mouvement populaire. Pour sa part, le recteur de l'université, Ahmed Tessa, a, tout en démentant l'information selon laquelle des blessés ont été enregistrés lors de cette bagarre, confirmé, dans une déclaration, qu'en effet les auteurs de cet empêchement n'étaient autres que des étudiants mais que les tentatives de déstabilisation de l'université ne datent pas de cette soirée. Celles-ci ont commencé, a-t-il soutenu, lors de "la visioconférence animée par Ferhat Mhenni" et que certains cercles auraient souhaité interdire quitte à voir l'université et toute la région basculer dans la violence. Ces tentatives de déstabilisation se sont poursuivies avec l'affaire de l'étudiant poignardé à l'intérieur d'un des départements de cette même université la semaine dernière. Mais qui est donc derrière ces manœuvres de déstabilisation ? La question était sur toutes les lèvres, hier, à l'université comme dans toute la région. Les organisateurs de la conférence comptent déposer plainte contre les auteurs, a-t-on appris auprès de certains d'entre eux. Les services de sécurité ouvriront-ils une enquête à l'effet d'élucider cette affaire qui a failli tourner au drame ? Pour le moment, motus et bouche cousue.