Conséquence de l'entrée en vigueur de l'accord avec l'Union européenne, les importateurs seront obligés de procéder rapidement pour arracher les quantités limitées exonérées des droits de douane. Les modalités et conditions d'application pratique de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne, dont l'entrée en vigueur est annoncée pour septembre prochain, restent à ce jour imprécises, voire incomprises par la plupart des opérateurs économiques. Un déficit flagrant en matière de communication et d'éclairage devant en principe émaner des institutions chargées de l'exécution et du suivi de ce dossier est relevé par ces mêmes opérateurs qui n'ont toujours pas compris l'étendue des concessions tarifaires et le niveau de réduction des droits de douane sur les marchandises touchées dans une première phase par les termes de l'accord. Pour les opérateurs, “c'est le flou total”. En dépit de quelques séminaires et rencontres organisés par les Douanes algériennes, d'aucuns estiment qu'“il y a un manque de lisibilité notamment en ce qui a trait aux modalités pratiques liées à la nature des marchandises concernées. Il est urgent de vulgariser ces concepts nouveaux”. Quel sera le rôle réel de l'institution douanière dans ce nouveau contexte ? Dans quelle mesure les opérateurs algériens pourront-ils bénéficier ou subir cet accord ? Est-ce que tous les produits d'origine européenne seront exonérés des droits de douane et comment protéger l'économie algérienne sans tomber dans le protectionnisme ? S'il est vrai que les Douanes algériennes se déclarent prêtes à gérer ce dossier, il n'en demeure pas moins qu'elles seront soumises à rude épreuve sur l'épineuse question de l'authentification de l'origine des produits, dont il faudra démontrer qu'ils sont européens. L'écueil de la vérification de l'origine des produits L'expérience a démontré qu'en matière de renseignements douaniers et d'échange d'informations, bien des difficultés ont été enregistrées sur plusieurs opérations du commerce extérieur. L'enjeu est actuellement de taille puisqu'il s'agit d'assurer la traçabilité de tout ce qui entre dans le cadre de cet accord. Le risque étant de voir des marchandises extra-européennes accéder au marché algérien sans droits de douane. L'appréhension première soulevée réside donc dans l'établissement des règles d'origine et dans l'appréciation des niveaux d'“ouvraison” ou de transformation sur certains produits afin de leur conférer le caractère européen. D'ores et déjà, la direction générale des douanes a confectionné une note explicative destinée à toutes ses structures qui seront appelées à gérer suivant ce nouveau mode d'intervention. La note rappelle qu'il est prévu pour certains produits, essentiellement agricoles, l'élimination des droits de douane ou leur réduction dans la limite des contingents tarifaires. Par contingent, il faut entendre une sorte de système de quotas pour une marchandise donnée qui sera importée suivant des tarifs préférentiels. À titre d'exemple, il est accordé un avantage tarifaire pour l'importation de la pomme de terre primeur du 1er janvier au 31 mars avec un taux zéro de droits de douane. Sauf que cet avantage tarifaire n'est valable que pour une quantité ou plutôt un contingent de 5 000 tonnes. Au-delà de cette quantité, la pomme de terre qui sera importée sera soumise aux droits de douane classiques, voire ordinaires, c'est-à-dire 30%. De cet exemple, il faut se poser la question de savoir à qui seront réservées ces 5 000 tonnes de pommes de terre ? En fait, nous explique-t-on, ce système de contingents est géré suivant la formule “premier arrivé, premier servi”. Obligation de transparence sur les contingents En clair, l'opérateur qui sera le premier à introduire sa déclaration en douane au 1er septembre prochain bénéficiera le premier de cet avantage. Et ce, même s'il épuise à lui seul ce contingent qui, parfois, paraît insignifiant en quantité par rapport aux besoins réels du marché domestique. Un seul importateur peut à lui seul épuiser le contingent et s'affirmer sur le marché comme un concurrent féroce pour un temps au moins s'il est établi qu'il est le premier à venir déposer sa déclaration. Avis aux importateurs pour cette course. La responsabilité douanière est plus que jamais engagée pour jouer à un arbitrage se fiant à une chronologie de dimension nationale, dans la mesure où il faudra identifier la première déclaration au niveau de tout le territoire national. Techniquement, ce sera grâce au système informatique (Sigad) de la douane que toutes les déclarations d'importations sont enregistrées et classées chronologiquement en mentionnant l'heure précise avec les minutes, qui peuvent se révéler d'un point de vue tarifaire capitales, voire enrichissantes pour l'heureux importateur. C'est au niveau du Centre national d'informatique et de statistique (Cnis) qu'atterrissent en temps réel les déclarations de dédouanement. Pour ce qui est de la preuve de l'origine, les douanes comptent énormément sur le document introduit à cet effet et appelé “Eur. 1”, un certificat de circulation de marchandises recensé comme étant une pièce essentielle préalable au bénéfice du régime préférentiel. Il est délivré par les douanes du pays exportateur. En fait, c'est la pièce maîtresse dans ces opérations en ce sens que si ce document est falsifié, il permet à l'importateur de s'imposer en concurrent roi sur le marché. Par ailleurs, et comme autre préalable posé, le bénéfice du régime préférentiel n'est valable que pour les produits qui sont directement transportés entre la Communauté européenne et l'Algérie, ou empruntant les territoires de la Tunisie ou du Maroc. Ceci cependant n'exclut pas l'entreposage ou le transbordement des marchandises dans des territoires autres que ceux cités, à la condition de fournir la preuve que ces marchandises sont restées sous surveillance douanière et qu'elles n'ont subi durant leur séjour aucune opération. Une autre difficulté et un autre risque à gérer. De nouvelles missions autrement plus délicates attendent cette fois-ci les Douanes algériennes pour assurer une équité sur le marché. Elles se doivent, désormais, de redéployer la machine du contrôle documentaire et d'enrichir pour ce faire leur réseau d'informations. Car, dans le lot des produits concernés par l'accord, figurent au chapitre des contingents plusieurs denrées alimentaires de large consommation. Il s'agit des laits et crèmes de lait en poudre ou sous d'autres formes solides admis à l'importation avec un taux zéro de droits de douane dans des limites (contingents) de 30 000 tonnes et 40 000 selon la teneur en matière grasse, des viandes congelées contingentées à 11 000 tonnes avec 20% de réduction des droits de douane. ABDELKRIM WAHIB