Les douanes sont la première institution à être confrontée aux répercussions de l'entrée en vigueur de l'accord d'association, ce 1er septembre. Peut-on savoir concrètement le niveau d'implication ? Ce qu'il faut préciser tout d'abord, c'est que l'accord d'association est un traité entre l'Algérie et l'Union européenne (UE). Il comprend neuf titres. Chacun d'eux traite d'un aspect bien précis : le dialogue politique, circulation des marchandises, des services et des capitaux, la coopération économique et technique, la lutte contre le terrorisme... En somme, le renforcement des liens de partenariat multiformes. C'est donc un accord avant tout géostratégique découlant de cette nouvelle vision de bon voisinage entre les pays de la rive sud de la Méditerranée, dont l'Algérie et les Etats de la communauté européenne. Cela étant, il est vrai que de par sa position, l'institution douanière est concernée par les différentes dispositions de cet accord international. Mais ce sont assurément les aspects touchant la libre circulation des marchandises, relevant du titre 2 de l'accord, qui la concerne au premier plan. Cela en raison du fait que leur application ou leur mise en œuvre lui incombe quasi entièrement. Ces aspects qui entrent dans le cadre de la mise en place progressive d'une zone de libre-échange peuvent être résumés autour de trois axes. Il s'agit des préférences commerciales ; des contingents tarifaires et des règles d'origine. Pour les préférences tarifaires, l'accord prévoit des réductions partielles ou totales des droits de douanes et des taxes d'effet équivalent (DAP) portant sur des produits industriels et agricoles. S'agissant des produits industriels, une liste de 2076 lignes tarifaires sera exonérée dès le 1er septembre. Ce sont en fait des matières premières et des intrants destinés au fonctionnement de notre outil industriel. Pour les autres produits industriels, bien d'équipements ou biens de consommation, la réduction des droits de douanes ne commencera que dans deux années et s'étalera sur sept ou dix ans, selon le cas. C'est dire que notre industrie bénéficiera, pendant les deux premières années, d'un accroissement de leur compétitivité qu'il conviendra de mettre à profit pour une mise à niveau effective. En ce qui concerne les produits agricoles, ce sont quelque 85 lignes qui verront leur taux ramené à zéro contre 166 lignes ou sous-positions dont les taux subiront dès septembre des réductions de 20 à 50% avec des limites contingentaires. Cela m'amène à parler du deuxième aspect douanier de l'accord, à savoir le contingentement tarifaire. Comme vous le savez, le contingentement tarifaire est un système de limitation des marchandises pouvant bénéficier de préférences commerciales. Il permet de limiter les quantités qui seront admises en réduction totale ou partielle des droits de douanes et des taxes d'effet équivalent (DAP). Une fois le contingent atteint, les importations ne seront pas refoulées, mais dédouanées dans les conditions de droit communes, c'est-à dire avec acquittement des droits et taxes inscrits au tarif. Seules les marchandises d'origine algérienne ou communautaire peuvent bénéficier des préférences tarifaires prévues par l'accord. Pour être considérées comme d'origine algérienne ou communautaire, les marchandises doivent remplir les conditions et critères fixés par le protocole n°6 de l'accord d'association, qui a fixé ce qu'on appelle les règles d'origine. A cet effet, la preuve de l'origine est constituée par le certificat de circulation Eur 1 qui doit accompagner les marchandises au moment du dédouanement. C'est là le troisième aspect douanier. Il faut remarquer à ce niveau que, pour les douanes algériennes, les deux premiers aspects (préférences et contingents) concernent uniquement les marchandises à l'importation, alors que le troisième touche à la fois les importations et les exportations. A l'importation, les services douaniers sont chargés du contrôle du certificat de circulation qui accompagne les marchandises importées de la communauté. En cas de doute sur le caractère originaire, des mécanismes d'assistance sont prévus pour l'authentification du certificat. A l'exportation, les douanes sont chargées de délivrer les certificats de circulation au moment de leur sortie du territoire national, après avoir constaté que les conditions et règles exigibles sont respectées. Quelle est la nature des mesures entreprises par les douanes algériennes en perspective de l'entrée en vigueur de l'accord d'association ? Cela fait plusieurs mois déjà que nous nous sommes attelés à mettre en place les conditions utiles pour la mise en œuvre de l'accord. Parallèlement à notre participation à des groupes de travail interministériels, présidé par les Affaires étrangères, ou à l'intérieur du ministère des Finances, nous avons mis en place, au sein des douanes, un comité de suivi des actions nécessaires à l'application des aspects douaniers de l'accord. En fait, nous avons travaillé sur trois axes essentiels : en premier lieu, il fallait prendre en charge les aspects qui nous incombent et de les intégrer dans notre système d'information. Les préférences tarifaires, les règles d'origine. Nous avons créé des mécanismes adaptés pour que, dès le 1er septembre, les importateurs et les exportateurs procèdent comme d'habitude au dédouanement de leurs marchandises. Toutes les listes de marchandises qui connaîtront des réductions totales ou partielles des droits de douanes et des taxes d'effet équivalent seront gérées de façon automatisée par le Sigad, notre système informatique. Nous avons également mis en place un système centralisé pour la gestion des contingents tarifaires. Il permettra à tous les opérateurs économiques d'introduire leurs déclarations portant sur des produits agricoles contingentés, au niveau de tous les bureaux de douanes ouverts à cet effet. C'est un système sur lequel nous avons beaucoup travaillé. En raison, d'une part, des difficultés que nous rencontrons dans l'utilisation du réseau public de transmissions de données, et, d'autre part, parce que nous l'avons voulu autant que transparent qu'équitable. La transparence réside dans l'information des opérateurs sur les modalités de gestion des contingents pour que tout un chacun puisse savoir que l'allocation a été faite de manière transparente, conformément aux règles qui ont été retenues. L'équité nous imposait de mettre à la disposition des importateurs les mêmes, quel que soit le bureau d'entrée, à Alger Port, Oran, Annaba, Ghazaouet, Skikda ou Béjaïa..., un seul critère pour déterminer ceux qui vont bénéficier des avantages liés aux contingents : la date, l'heure et même la minute où la déclaration en douane a été enregistrée. Le second axe porte sur la formation de nos agents chargés tant de la gestion des différentes dispositions de l'accord que dans le contrôle de leur bonne application. Des journées d'études, des cycles de vulgarisation, d'information et de formation ont été organisés à l'intention de nos cadres et agents. Des manuels et des guides ont été édités. Même un nouveau tarif a été édité. En somme, une documentation leur permettant de comprendre le rôle du service douanier dans l'application de l'accord. Y a-t-il eu un travail de sensibilisation et de vulgarisation en direction des opérateurs économiques algériens à propos des nouvelles mesures entreprises ? Nous avons organisé des séminaires nationaux destinés aux associations patronales, opérateurs économiques et autres intervenants dans les opérations du commerce extérieur, dès le mois d'avril puis en juin dernier. Nous avons, par ailleurs, élaboré des documents d'explication sur les modalités d'application des aspects douaniers de l'accord d'association. Des prospectus, affiches et CD Rom ont été diffusés. Le site web avec ses informations doit être également signalé. Quelle forme prendra la coopération douanière avec l'Union européenne dans le cadre de l'accord d'association ? Deux protocoles annexés à l'accord ont été consacrés à la coopération douanière dans le cadre de l'application de l'accord. Le premier est, comme indiqué précédemment, le protocole 6 qui prévoit les modalités et les méthodes de coopération administrative en vue du contrôle de l'origine. Le protocole 7 est, quant à lui, plus général, puisqu'il est consacré à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière. Il vient à ce titre compléter les accords de coopération bilatérale signés avec certains pays européens. L'accord organise, par ailleurs, des cercles et des cadres de concertation et de coopération qui peuvent être utilisés dans les questions douanières. Il en est ainsi du conseil de l'association (niveau ministériel), du comité d'association (niveau des experts) ou du comité de coopération douanière regroupant les experts des administrations des douanes. Les douanes algériennes se sont à maintes reprises plaintes du manque de moyens et d'effectif pour exercer convenablement leur travail de contrôle et de surveillance. Comment comptez-vous, dans ces conditions-là, faire face à l'important flux des importations qui devra s'accroître avec le démantèlement tarifaire ? En tant qu'administration publique, les douanes sont effectivement soumises aux contraintes budgétaires des institutions de l'Etat et doivent à ce titre s'insérer dans le schéma des équilibres budgétaires tracés par les pouvoirs publics. Cependant, au moment où notre pays engage des processus importants, comme cet accord d'association, voire l'accession de l'Algérie à l'OMC, il est tout à fait normal que l'Etat, à travers son démembrement qu'est les douanes, puisse se donner des moyens supplémentaires pour faire face à ses nouvelles missions afin que notre économie puisse effectuer sa transition sans heurts.