"On l'a laissé mourir." Dans un communiqué au vitriol signé par une quinzaine d'éminents professeurs, le Collectif des professeurs en sciences médicales (CPSM) a vigoureusement dénoncé une mise à mort qui ne dit pas son nom du militant mozabite, Kamal-Eddine Fekhar, décédé mardi 28 mai à l'hôpital de Blida. "Le collectif refuse la version de son décès des suites de la grève de la faim. Lorsqu'on a trois enfants de l'âge des siens, on ne se laisse pas mourir, on ne se suicide pas. Non, on n'abandonne pas ses enfants en se laissant mourir. On l'a laissé mourir, en ne respectant aucune des règles de la Convention de Malte", a-t-on indiqué dans le communiqué. Le collectif s'est élevé contre la mauvaise prise en charge de Fekhar, "indigne de collègues censés avoir prêté le serment d'Hippocrate" et des "manquements graves à l'éthique et à la déontologie médicales devant présider à l'encadrement de tout patient". Pour ce collectif, il y a dans ce cas de figure une "non-application des recommandations de la Déclaration de l'Assemblée médicale mondiale (AMM) de Malte sur les grévistes de la faim, adoptée en novembre 1991 à Malte, puis révisée lors des 44e (1992), 57e (2006) et 68e (2017), assemblées médicales mondiales auxquelles l'Algérie a adhéré, qui définit les modalités médicales et éthiques à mettre en œuvre lors d'une grève de la faim qui reste un mouvement de protestation". Après quoi, les 15 professeurs de médecine ont fait part de leur étonnement du "silence inquiétant des Conseils de déontologie régionaux", tout en appelant le Conseil national de déontologie "à s'autosaisir et à ouvrir une enquête pour connaître les circonstances exactes ayant précédé le décès de Kamal-Eddine Fekhar". Outre la prise en charge du Dr Fekhar, le collectif a pointé du doigt "le recours abusif par les magistrats à la détention provisoire et au harcèlement judiciaire dont ont fait l'objet Kamal-Eddine Fekhar, son avocat, Me Dabouz, et bien d'autres Algériens détenus pour leurs opinions, droit pourtant reconnu par la Constitution". Et aux professeurs de médecine de demander au Club des magistrats et au nouveau bureau du Syndicat national des magistrats de "mener une enquête impartiale sur les conditions de condamnation à la détention préventive de ce martyr et de veiller à ce que cette procédure redevienne exceptionnelle et pleinement justifiée". "Il y va de la probité de la magistrature, de la justice algérienne et de l'autorité de leurs décisions", ont-ils ajouté. Sur un autre registre, le collectif a réitéré son "opposition à l'élection présidentielle du 4 juillet 2019" et sa proposition de sortie de crise, à savoir une "transition avec un présidium composé de femmes et d'hommes non partisans et non impliqués dans le régime dictatorial qui a régné sur le pays depuis 1962 et non pas seulement depuis 1999" qu'il y a lieu de "mettre en place dans les meilleurs délais" Tout en appelant le peuple algérien à "poursuivre ses marches pacifiques jusqu'à satisfaction de toutes ses revendications et à l'avènement de la IIe république", les professeurs de médecine ont exhorté les autorités à "répondre à ces quinze vendredis de marches populaires représentant autant de référendums à ciel ouvert auxquels il n'y a rien à opposer par des propositions de solutions, à même de maintenir l'espoir d'une sortie de crise rapide".