Le Collectif des professeurs en sciences médicales, réuni ce jour samedi 1er juin 2019, après avoir accompagné le martyr Kamel-Eddine Fekhar à sa dernière demeure, a analysé les circonstances de sa fin de vie et de son décès. Devant la gravité de cette tragédie, le Collectif, tout en présentant ses condoléances attristées à la famille Fekhar et à ses enfants : - S'incline encore une fois à la mémoire de ce martyr, qui a marqué par ses idées, ses convictions et son combat pour la liberté, le monde médical, le monde universitaire, et l'ensemble du peuple algérien pour lesquels il représente le symbole de la liberté, pleine et entière. - Dénonce la prise en charge médicale dont il a fait l'objet, tout comme l'ont été avant lui d'autres militants des droits de l'Homme et journalistes comme Mohamed Tamalt. Prise en charge indigne de collègues censés avoir prêté le serment d'Hippocrate, et manquements graves à l'éthique et la déontologie médicales devant présider à l'encadrement de tout patient. - Dénonce la non-application des recommandations de la Déclaration de l'A.M.M (Assemblée médicale mondiale) de Malte sur les grévistes de la faim adoptée en novembre 1991 à Malte, puis révisée lors des 44e (1992) – 57e (2006) et 68e (2017) assemblées médicales mondiales auxquelles l'Algérie a adhéré, qui définit les modalités médicales et éthiques à mettre en œuvre lors d'une grève de la faim qui reste un mouvement de protestation. - Dénonce le fait que les véhicules et autocars transportant des milliers d'amis de Kamel-Eddine Fekhar, venus nombreux lui rendre un dernier hommage, aient été retenus à Médéa par les barrages érigés par les services de sécurité, pour les empêcher d'assister à son enterrement. - Dénonce avec la plus grande rigueur le traitement dont il a fait l'objet de la part des autorités, aussi bien de son vivant, pendant ses différentes incarcérations, que pendant les cinq jours qui ont suivi son décès. - Le Collectif refuse la version de son décès suite à la grève de la faim. Quand on a trois enfants de l'âge des siens, on ne se laisse pas mourir, on ne se suicide pas. Non, on n'abandonne pas ses enfants en se laissant mourir. On l'a laissé mourir, en ne respectant aucune des règles de la convention de Malte. - S'étonne du silence inquiétant des Conseils de déontologie régionaux, et appelle le Conseil national de déontologie, seule autorité compétente, à s'autosaisir et à ouvrir une enquête pour connaître les circonstances exactes ayant présidé au décès de Kamel-Eddine Fekhar. Ceci du fait que nous avons eu à connaître par le passé les conclusions des Inspections générales des tutelles, dont le seul objectif est d'éviter de soulever des vagues à leur niveau et de dire que tout va très bien, occultant ainsi les problèmes de leurs secteurs. - Accepte avec beaucoup de fierté l'adhésion de l'A.N.P.H.U (Association nationale des praticiens hospitalo-universitaires) aux termes du présent communiqué et l'en remercie. - Dénonce le recours abusif par les magistrats à la détention provisoire et au harcèlement judiciaire dont ont fait l'objet Kamel-Eddine Fekhar, son avocat Maître Dabbouz, et bien d'autres Algériens détenus pour délits d'opinion ; droit reconnu pourtant par la Constitution. Le Collectif demande dans ce cadre au Club des magistrats et au nouveau bureau du Syndicat national des magistrats de mener une enquête impartiale sur les conditions de condamnation à la détention provisoire de ce martyr et de veiller à ce que cette procédure redevienne exceptionnelle et pleinement justifiée. Il y va de la probité de la magistrature, de la justice algérienne et de l'autorité de leurs décisions. - De la même façon, le Collectif dénonce la condamnation à six mois de prison et le maintien en détention jusqu'à ce jour de Hadj Ghermoul. Pourtant, le peuple entier s'est élevé, a marché et obtenu l'annulation de la candidature au 5ème mandat puis la démission de l'ex-Président. Le peuple marche depuis quinze semaines avec le même SLOGAN. Nous demandons instamment aux collectifs d'avocats de prendre en charge ce problème, ainsi que tous les problèmes qui pourraient survenir lors des marches des étudiants du mardi et du peuple le vendredi. Au vu de ce constat inquiétant à plus d'un titre, le Collectif des professeurs en sciences médicales : - S'incline à nouveau devant le sacrifice de Kamel-Eddine Fekhar en espérant qu'il ne soit pas vain. - Réaffirme son opposition à l'élection présidentielle du 4 juillet 2019 et sa proposition du maintien de la période de transition avec un présidium, composé de femmes et d'hommes non partisans et non impliqués dans le régime dictatorial qui a régné sur le pays depuis 1962 et non pas seulement depuis 1999 , à mettre en place dans les meilleurs délais. - Appelle le peuple algérien à poursuivre ses marches pacifiques jusqu'à satisfaction de toutes ses revendications et à l'avènement de la Seconde République. - Appelle les autorités à répondre à ces quinze vendredis de marches populaires représentant autant de référendums à ciel ouvert auxquels il n'y a rien à opposer, par des propositions de solutions à même de maintenir l'espoir d'une sortie de crise rapide. - D'autres défis sérieux , notamment économiques, nous attendent ; il est urgent de nous préparer à y faire face. Pour le Collectif : - Pr. A. Aboubaker - Pr. A. Attar - Pr. Z. Bellahcene - Pr. R. Benali - Pr. A. Benmati - Pr. M. Bessaha - Pr. M. Bouziane - Pr. K. Bouzid - Pr. M. Brouri - Pr. A. Djender - Pr. F. Haddoum - Pr. K. Kezal - Pr. M. Maaoui - Pr. M. Regabi - Pr. M. Semrouni - Pr. A. Tadjedine - Pr. N. Zidouni Alger le 1er juin 2019