Le chef de la diplomatie algérienne a indiqué qu'il n'y a eu “ni demande d'échange ni rançon”. “C'est un crime odieux, un forfait inqualifiable”. Mine défaite, l'air grave, le chef de la diplomatie algérienne a du mal à trouver la rhétorique pour qualifier l'abominable exécution des deux diplomates algériens, Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi, enlevés le 21 juillet dernier à Bagdad. Lors d'une conférence de presse improvisée, hier, au siège du ministère des affaires étrangères à Alger, le chef de la diplomatie algérienne a estimé que les auteurs de l'assassinat n'ont aucun humanisme. “C'est un crime sauvage. Ces gens se considèrent comme des révolutionnaires ; ils n'éprouvent aucun sentiment d'humanisme. Ce qui fait mal, ces gens n'ont pas de politique. Que signifie ce crime ? Depuis le 21 juillet, j'ai étudié tous les aspects de cette affaire, je n'ai pas trouvé d'explication. C'est la véritable stupeur et c'est la condamnation la plus ferme qui suit un acte aussi odieux”, a-t-il dit. Même s'il s'est refusé à divulguer tous les détails des efforts entrepris par le gouvernement algérien dans l'espoir de récupérer les deux diplomates, Mohamed Bedjaoui a révélé toutefois que les ravisseurs ont demandé des contacts avec le gouvernement algérien, lesquels n'ont pas cependant abouti en raison de l'absence de réponse de la part des ravisseurs. “Ce sont des spéculations. Je n'ai pas à vous donner tous les détails de tout ce qui a été entrepris par le gouvernement pour faire en sorte que nos deux diplomates aient la vie sauve. Tous les moyens de l'état ont été mobilisés dès qu'on a été informés de ce tragique événement, mais malheureusement on n'a pas pu atteindre cet objectif. à deux reprises, les ravisseurs ont demandé l'établissement d'un contact, ce que nous avons fait. Mais rien d'autre. Et nous n'avons pas eu d'écho. Ils ont demandé simplement le contact et puis c'est tout. Nous pensions qu'ils allaient indiquer leurs intentions, mais ça n'a pas été le cas. Ce sont des gens irresponsables et non croyants”, a t-il dit. “Ni demande de rançon ni de libération d'El-Para” Interrogé par Liberté si les ravisseurs avaient formulé une exigence particulière, notamment comme l'auraient laissé entendre certaines sources, à savoir la libération des diplomates en échange de la libération de Abderrazak El-Para, l'un des chefs du GSPC arrêté en octobre de l'an passé, le chef de la diplomatie algérienne a indiqué qu'il n'y a eu “ni demande d'échange ni rançon”. “Ce sont des spéculations (…) Ils ont demandé le contact et puis c'est tout. Et de toutes les façons, nous aurions été particulièrement fermes lorsqu'il s'agit de méthode tout à fait inqualifiable, spécialement s'agissant de ressortissants algériens, compte tenu des relations de toujours entre le peuple algérien et le peuple Irakien”, a-t-il expliqué non sans ajouter que “le peuple algérien a souhaité le bonheur et la prospérité du peuple Irakien dont il a défendu la souveraineté, l'unité nationale et l'intégrité territoriale, avec une conviction, une force et une détermination qui sont maintenant enregistrées par l'histoire”. “Le GSPC est responsable” Pour autant, le chef de la diplomatie, qui a maintes fois réitéré que les motivations des ravisseurs “ne sont pas connues”, a accusé explicitement le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d'avoir précipité l'exécution des deux diplomates. “Il y a malheureusement dans notre communauté, dans notre pays, des gens irresponsables. Il y a aussi des gens criminels comme le GSPC qui s'est permis une telle affirmation sans aucune base. Et c'est peut-être hélas la goutte qui a fait déborder le vase et qui a coûté la vie à nos deux compatriotes”, a indiqué Bedjaoui. Le GSPC avait, pour rappel, accusé l'un des deux diplomates d'avoir participé aux massacres de Bentalha. L'Algérie va-t-elle changer sa politique étrangère après ce drame ? “La diplomatie algérienne a ses principes, elle les a défendus avec détermination et constance. Par conséquent, nous ne sommes pas un pays qui improvise une politique étrangère, celle-ci est fondée sur des principes cardinaux, et je ne vois pas comment pouvez-vous penser qu'on peut changer de politique ? Notre politique est claire et elle est tracée”, a-t-il expliqué. Ceci, dit-il, n'exclut pas que des révisions peuvent s'imposer dans le futur. “Nous sommes, aujourd'hui, en deuil. Nous devons faire le deuil dans nos cœurs et dans nos esprits. Ce que le gouvernement algérien fera par la suite apparaîtra. On va tirer au clair les choses par la suite”, a-t-il dit. Le référendum compromis ? Dans le même contexte, Mohamed Bedjaoui a laissé même entendre que le référendum sur la réconciliation nationale pourrait être compromis. “Le référendum aura lieu en son temps, mais nous devons aussi compléter notre réflexion. Jusqu'à ce jour, cette réflexion a été très mûre, mais à la lumière de cet événement, nous saurons prendre les décisions les plus appropriées encore”. L'Algérie a-t-elle commis une erreur d'avoir envoyé des diplomates dans un pays en guerre ? “Nous n'avons pas fauté. Nous avons des citoyens en Irak et le devoir du gouvernement est de les protéger d'autant qu'il s'agit d'un pays en guerre. Au moins, on avait ces hommes qui n'avaient pas de rang d'ambassadeur, et leur mission consistait à assister les algériens”. Enfin, à propos du rapatriement des corps des deux diplomates, Bedjaoui a reconnu à demi-mot la difficulté de la tâche. “Nous souhaitons pouvoir rapatrier les corps, mais il y a eu un précédent, comme vous le savez du diplomate égyptien”. En effet, encore faut-il retrouver les corps. KARIM KEBIR