La contestation en faveur des dix-huit détenus ayant brandi le drapeau de Tamazgha, dont trois sont originaires de la commune de Haïzer, à l'est de Bouira, ne faiblit pas. Hier et pour la deuxième journée, les citoyens de cette municipalité ont décrété une opération "ville morte" et organisé une marche au chef-lieu de wilaya, avec une seule et unique revendication : la libération immédiate des détenus. En effet et comme pour la journée d'avant-hier, la ville de Haïzer était entièrement paralysée par une grève générale. Tous les commerces, hormis les pharmacies et les boulangeries, ont baissé rideau. Il y avait une atmosphère lourde et empreinte de colère et d'indignation vis-à-vis des pratiques jugées honteuses du pouvoir actuel. "Nous restons mobilisés jusqu'à la libération de l'ensemble des détenus car, vis-à-vis de la loi, ils n'ont absolument rien fait de mal, sauf brandir un drapeau qui symbolise notre culture et notre identité", affirme un citoyen qui s'apprêtait à rejoindre la marche. Peu avant 10h, il y avait foule à proximité du siège de la cour de justice, lieu de rassemblement des protestataires. Ces derniers, venus avec l'emblème national et celui de Tamazgha, ont encore une fois protesté contre ce qu'ils ont qualifié de "justice aux ordres". "La justice n'est pas encore libre et l'incarcération de nos jeunes en est la preuve éclatante", soulignera un manifestant. Pour d'autres, la détention "arbitraire" des 18 manifestants lors de la marche de vendredi dernier à Alger signifie que le pouvoir actuel voudrait, selon eux, diviser le pays en jouant sur la fibre régionaliste. "Que le magistrat qui a ordonné leur incarcération nous donne l'article de loi qui indique que porter un drapeau identitaire et culturel constitue une atteinte à l'unité nationale", dira le père d'un détenu. Avant de poursuivre : "Il ne le pourra pas, car il n'existe nulle part", a-t-il tranché. De son côté, Meziane Chaâbane, élu RCD à l'APW de Bouira et ex-P/APC de Haïzer, n'a pas caché son indignation quant aux manœuvres du pouvoir. "Ce sont des pratiques dignes d'une dictature à la nord-coréenne, tant les méthodes utilisées sont abjectes et ignominieuses", s'est-il offusqué. Pour cet élu, Gaïd Salah a commis une "énorme erreur" en s'attaquant frontalement à l'identité berbère. "Ce général se croit en Egypte et s'inspire du maréchal Al-Sissi. L'Algérie n'est pas l'Egypte, le peuple algérien connaît son identité, sa culture et ses racines et personne ne peut lui interdire de les faire valoir", a-t-il insisté. La députée Farida Si Nacer, qui a pris part à la mobilisation d'hier, a fait savoir que d'autres actions sont en préparation jusqu'à la libération de tous les jeunes. "Nous n'allons pas nous taire face à ces pratiques et toute une région est mobilisée pour libérer l'ensemble des détenus", a-t-elle indiqué. Ensuite, les protestataires ont improvisé une marche qui les a conduits au siège de la wilaya. Tout au long de leur procession, ils ont scandé des slogans hostiles au général chef d'état-major de l'armée. Il y a lieu de noter que cette démonstration de force des citoyens de Haïzer a connu quelques incidents quand un chauffard a tenté de percuter un marcheur et un autre manifestant a été interpellé puis relâché par les membres du service d'ordre.