Ces jeunes sont poursuivis pour avoir "porté un emblème autre que l'emblème national" alors que certains d'entre eux brandissaient les deux drapeaux au moment de leur interpellation. Une vingtaine de manifestants ont été arrêtés lors de la marche du 18e vendredi. Depuis avant-hier, ces jeunes manifestants croupissent à la prison d'El-Harrach à la suite de la décision de la justice de les mettre sous mandat de dépôt. Leur seul tort : avoir brandi le drapeau amazigh. Un emblème adopté depuis la fin des années 60 par la célèbre Académie amazighe de Bessaoud et ses compagnons de lutte. Dès lors, il est devenu le symbole de l'appartenance à Tamazgha, le monde amazigh qui englobe les pays de l'Afrique du Nord. En Algérie, au Maroc, en Libye, aux îles Canaries, à Siwa en Egypte, en Tunisie, au Mali…, cet emblème est arboré pour exprimer la fierté d'appartenir à ce territoire et à cette culture. Les années de lutte pour la reconnaissance de tamazight comme élément constituant de l'identité nationale ont brisé le tabou qui entourait ce drapeau. Toutefois, et depuis le dernier discours au ton menaçant du chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, le chemin parcouru depuis des décennies pour l'acceptation et la réhabilitation du fait amazigh est remis en cause. Vendredi passé, les services de sécurité ont réagi avec célérité au discours du vice-ministre de la Défense, les enjoignant à n'accepter que le drapeau national lors des marches hebdomadaires. Plusieurs manifestants ont été, en effet, arrêtés et présentés devant la justice. À Alger, à Oran, à Bordj Bou-Arréridj et à Béjaïa, ces jeunes ont été poursuivis pour avoir "porté un emblème autre que le drapeau national" et également pour "atteinte à l'unité nationale", alors que certains d'entre eux brandissaient les deux au moment de leur interpellation. Des accusations passibles de lourdes peines de prison, comme le prévoit l'article 79 du code de procédure pénale qui stipule : "Quiconque (…) a entrepris, par quelque moyen que ce soit, de porter atteinte à l'intégrité du territoire, est puni d'un emprisonnement d'une durée d'un à dix ans et d'une amende de trois mille à soixante-dix mille DA (…)" Compte tenu des charges retenues contre les détenus, ces manifestants risquent de séjourner pour longtemps en prison. Ces arrestations ne peuvent être justifiées que par l'objectif assigné à cet arbitraire par ses commanditaires. Elles visent à singulariser une région dans le but de susciter la désolidarisation des autres régions et d'en finir avec le soulèvement. Tenter une telle diversion en jouant sur la fibre régionaliste est périlleux à la fois pour le pays et pour le mouvement. Il est à se demander pourquoi à Alger ou à Béjaïa, les services de sécurité ont arrêté des manifestants et les ont présentés devant la justice, alors qu'au sud du pays, plus précisément à Tamanrasset, les trois jeunes arrêtés vendredi dernier pour avoir brandi le drapeau amazigh ont été, fort heureusement, relâchés. Y a-t-il deux justices dans le pays ? Cette institution n'applique-t-elle pas les mêmes textes de loi ? Tout cela conforte l'idée selon laquelle l'incarcération de ces manifestants répond plutôt à une manœuvre politicienne qu'à une volonté de faire respecter la loi. Les actions de dénonciations d'hier prouvent que l'opinion n'est pas dupe.