Les avocats de la défense ont insisté pour dire que la décision de la justice ne repose sur aucun référent. Arrêtés vendredi dernier à Alger pendant la manifestation populaire contre le système, 16 manifestants, dont 2 militants du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), ont été présentés hier devant le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed qui les a placés sous mandat de dépôt et emprisonnés. Les prévenus sont accusés "d'atteinte à l'unité nationale", alors qu'ils n'ont que brandi l'emblème amazigh. À ce titre, les juges ont fait valoir l'article 79 du code pénal. La semaine dernière, 23 autres citoyens avaient connu le même sort et pour les mêmes raisons. Outre un collectif d'avocats, composé d'une trentaine de robes noires, constitué pour assurer bénévolement leur défense, les manifestants présentés, hier, devant le juge, ont eu droit à la solidarité de plusieurs dirigeants et militants de partis politiques de l'opposition, dont notamment le président du RCD, Mohcine Belabbas, et le membre du présidium du FFS, Ali Laskri, ainsi que de la société civile, qui ont organisé, hier matin, un rassemblement devant le tribunal pour réclamer leur libération. Des slogans hostiles au système, en général, et au chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, en particulier, ont été scandés par la foule, entre autres : "Pouvoir assassin", "Honte à la justice aux ordres", "Gaïd dégage", "Etat civil et non militaire". Le verdict, qui est tombé tel un couperet, a suscité une vive colère chez les protestataires. "Aujourd'hui, nous ne sommes pas face à la justice, mais face au chef d'état-major, Gaïd Salah, qui s'est érigé en juge et en chef d'Etat qui ordonne tout. C'est donc lui qui a ordonné aujourd'hui la mise sous mandat de dépôt des manifestants. Le problème de l'Algérie depuis 1962 à ce jour, c'est l'armée. Les militaires sont la source de tous les problèmes que nous vivons. Il est temps que l'armée soit mise au service du pays et du peuple. Pour ce faire, nous devons maintenir la mobilisation populaire jusqu'au départ de tous les représentants du système", a dénoncé Yacine Aïssiouane, député et chargé de communication du RCD, parti dont l'élue à l'APW de Tizi Ouzou, Samia Messouci, et le militant de base, Amar Aferchouche, figurent parmi les détenus. Les avocats ne sont pas moins outrés par cette décision de justice qui sanctionne des personnes qui n'ont commis aucun délit vis-à-vis de la loi. "À travers la décision d'envoyer des citoyens en prison pour avoir brandi l'emblème amazigh qu'aucune loi n'interdit, la justice vient de violer le code pénal, étant donné que l'article 1 du même code proscrit toute poursuite pour un acte non inscrit dans la loi de la République", regrette Me Djamel Agoune du barreau de Béjaïa. Même son de cloche chez son confrère, Sedik Mohous, du barreau de Boumerdès, qui rappelle que la mise sous mandat de dépôt est une mesure exceptionnelle qui ne doit pas concerner ses mandants. Me Mokrane Aït Larbi, qui a participé au rassemblement de solidarité avec les détenus, dénonce, quant à lui, "des arrestations politiques préméditées par les tenants du pouvoir dans le but de casser la révolution du peuple". Outre les militants du RCD, le rassemblement a vu la participation de députés et de membres de la direction d'autres partis politiques dont le PT et le FFS, ainsi que des représentants d'organisations des droits de l'Homme.