Trois autres prévenus ont été reconduits au commissariat de Cavaignac (Alger) pour un complément d'enquête, alors que deux activistes politiques ont été interpellés lors du rassemblement devant le tribunal. Treize manifestants ont été placés, hier, sous mandat de dépôt par le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed pour port d'un drapeau autre que l'emblème national, c'est-à-dire le drapeau amazigh, et atteinte à l'unité nationale, alors que trois autres ont été reconduits au commissariat de Cavaignac (Alger) pour un complément d'enquête. Il s'agit de Boudar Khaled, de Mustapha Lounas et de Yassine Khechoume, arrêtés, eux aussi, selon les avocats, pour port de drapeau amazigh devant la Grande-Poste par la police. Selon les avocats des prévenus, il y avait dix-neuf prévenus, tous arrêtés lors du 18e vendredi de mobilisation contre le système et ses symboles : seize personnes ont été déférées devant le tribunal de Sidi M'hamed et trois autres, arrêtées à Bab El-Oued, ont été présentées au tribunal de Baïnem, où ils ont également été placés sous mandat de dépôt. Hier, ils étaient près d'une centaine de personnes à venir se solidariser avec les prévenus et leurs familles, dont des manifestants et des activistes politiques, des personnes arrêtées en possession du drapeau amazigh et qui ont été relâchées dans la nuit de vendredi à samedi, des membres et des avocats activant au Réseau de lutte contre la répression, des militants de l'association RAJ, des militants et des cadres du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Dès la matinée, un cordon sécuritaire a été formé autour du tribunal pour empêcher les manifestants de rallier le tribunal. Munis de pancartes, ces derniers n'ont pas cessé de scander des slogans hostiles au pouvoir et à la justice, mais aussi au chef d'état-major et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah : "Pouvoir assassin", "Les Algériens, khawa-khawa, Gaïd Salah maâ l-khawana", "Nous sommes tous Amazighs", "La Casbah et Bab El-Oued, tous des Berbères". La tension monte d'un cran dès 13h, quand les avocats sortent du tribunal après la procédure de présentation des prévenus devant le procureur de la République. "L'instruction vient de commencer. Les prévenus ont montré une rare maturité et ont exprimé leur amour à la patrie et aux couleurs nationales. La plupart des prévenus ont été interpellés à l'intérieur des bus et non lors de la marche. Les autres arrêtés lors de la marche sont tous des jeunes âgés entre 20 et 26 ans. La justice n'a rien trouvé dans le code pénal. Mais, immédiatement, le port du drapeau amazigh a été qualifié de crime", ont expliqué les avocats ébahis par cette décision. La protestation reprend de plus belle et les forces de l'ordre sont intervenues pour interpeller deux activistes politiques. Selon maître Mohand Kaci Hayet, membre du collectif des avocats, "le procureur a retenu les mêmes chefs d'inculpation pour toutes les personnes arrêtées. Il n'y a ni port d'armes, ni port de produits prohibés". Vers 14h, le juge d'instruction prononce la détention préventive pour cinq prévenus.Ces derniers sont immédiatement acheminés vers la prison d'El-Harrach sous le regard de leurs parents et de leurs proches. Moins d'une demi-heure plus tard, les avocats quittent le tribunal et annoncent aux médias que tous les autres prévenus ont été condamnés et placés sous mandat de dépôt. Selon l'avocate et néanmoins députée du RCD Fetta Sadat, "la juge a appliqué l'article 79 du code de procédure pénale, car il n'y a aucun article de loi qui interdit le port du drapeau amazigh". Terrifiés par la nouvelle qui venait de tomber tel un couperet, le frère de l'un des prévenus et une mère de famille s'effondrent. Les slogans hostiles à la justice et à Gaïd Salah reprennent de plus belle, alors que les camions cellulaires qui acheminaient les mis en cause à El-Harrach ont démarré en trombe sous une haute escorte policière.