Au-delà du caractère arbitraire des interdictions, que rien ne justifie au demeurant, ce traitement du "deux poids, deux mesures", laisse à penser que ne sont tolérées que les activités de ceux qui trouvent grâce aux yeux du pouvoir. Même ébranlé par l'inédit mouvement de contestation qui s'exprime depuis février dernier, le pouvoir ne semble pas encore disposé à renoncer à ses méthodes et à ses entraves aux libertés publiques. À la tentation répressive, dont un aperçu a été donné par les multiples arrestations opérées parmi les porteurs de l'emblème amazigh et la mobilisation des forces de l'ordre à Alger ainsi que la chape de plomb imposée aux médias lourds, viennent s'ajouter les interdictions qui ciblent particulièrement les acteurs politiques de l'opposition, comme vient de le vérifier à ses dépens, Soufiane Djillali, président de Jil Jadid. Sa conférence-débat qu'il devait animer vendredi à Oum El-Bouaghi, à l'invitation d'une association locale, a été "tout bonnement" empêchée par les services de police, indique-t-il dans un communiqué rendu public. "Pressions, intimidations et menaces contre les militants et cadres de Jil Jadid, les responsables de l'association Aurès Macomades et même le propriétaire de l'espace ou devait se dérouler l'événement ont été les armes choisies pour faire échouer cette rencontre entre Soufiane Djilali et les citoyens de la wilaya d'Oum El-Bouaghi", a écrit Jil Jadid. Ce n'est pas la première fois que ce parti se voit ainsi interdire d'organiser une activité politique. Il y a quelques mois, il avait été empêché d'organiser une manifestation à Constantine, puis à Béjaïa, pour dénoncer la perspective du cinquième mandat. Cette interdiction intervient dans la foulée d'une série d'autres opposées successivement aux forces de l'alternative démocratique et au FFS qui a dû organiser son conseil national au siège du MDS, faute d'autorisation. Quelques semaines auparavant, c'est l'ex-chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, qui s'est vu interdire une conférence à M'sila, tout comme le célèbre avocat, Me Mustapha Bouchachi à Annaba, à Blida et à Oran. Mais paradoxalement, l'interdiction n'a pas touché les "forces du changement" qui ont pu obtenir l'autorisation pour tenir la conférence sur le dialogue à l'Ecole hôtelière d'Aïn Benian. C'est le cas également du Cnes, présidé par Abdelhafid Milat, organisateur hier à la faculté des sciences politiques, d'une "conférence nationale sur la dialogue" en présence de personnalités représentant les institutions de l'Etat, de parlementaires et d'élites nationales et universitaires. Au-delà du caractère arbitraire des interdictions que rien ne justifie au demeurant, ce traitement du "deux poids, deux mesures", laisse à penser que ne sont tolérées que les activités de ceux qui trouvent grâce aux yeux du pouvoir, dont les discours et la cause épousent les orientations des puissants du moment. À moins que certaines interdictions ne soient le fait de quelques résidus de l'ancien régime. Mais encore faut-il qu'ils soient rappelés à l'ordre, ce qui n'est pas le cas pour l'heure. Une chose demeure cependant certaine : ces interdictions contrastent singulièrement avec l'appel au dialogue lancé par le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah. Elles ne concourent ni à créer les conditions pour un dialogue serein ni à convaincre de la sincérité du pouvoir pour aller vers un véritable changement tel que le réclament les Algériens depuis février dernier. Karim Kebir