Hostiles au chef d'état-major de l'armée, les slogans du 24e acte du soulèvement populaire contre le système politique en place augurent d'une nouvelle reconfiguration et de la mobilisation citoyenne elle-même, ainsi que de l'essence de sa revendication. Les irréductibles du hirak, dont les meneurs attitrés des carrés, semblent avoir accordé leurs violons pour dire que la contre-révolution a vécu. Le 24e vendredi consécutif de la marche populaire à Constantine aura été au-delà de la concordance et de la cohésion des mots d'ordre entonnés entre manifestants, un moment fort de mobilisation. Bravant la chaleur caniculaire — le thermomètre affichant les 45° depuis jeudi — qui a attisé des foyers de feu aux quatre coins de la wilaya, les Constantinois sont sortis en masse, faisant preuve d'une détermination sans faille. Résolution illustrée à travers la menace brandie par les marcheurs et reprise en chœur par le groupe "Rahou jay rahou jay el-îisyane el madani", une manière de dire que l'option de la désobéissance civile ne sera pas exclue si le pouvoir réel persiste à ignorer l'appel du peuple. Et de pouvoir réel, ils n'ont identifié dans leurs slogans, pancartes et banderoles, que le chef d'état-major de l'armée Ahmed Gaïd Salah particulièrement ciblé. Car si l'on excepte les quelques flèches décochées à la bande (el-îssaba), à travers "Makanèche intikhabat maâ el-îssabat" (pas d'élections avec la bande) et un certain "FLN, RND, houkouma, barlamane dégage dégage" (FLN, RND, gouvernement et Parlement dégagez), même le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, a été plus ou moins épargné par rapport à Gaïd Salah, visé sans répit. Une décision prise par le hirak qui s'apparente surtout à une réponse sans équivoque aux dernières déclarations du chef d'état-major de l'armée, porteuses, selon les marcheurs, de menaces déplacées envers le peuple. "Tout le mérite revient au peuple qui a empêché un cinquième mandat de la honte, dégommé Bouteflika et la majorité de son clan et conduit les voleurs et corrompus en prison. Gaïd Salah, pour sa part, veut récupérer les dividendes de la révolution populaire à son propre compte", dira Ahmed, un septuagénaire qui s'efforçait, hier, de reprendre, au milieu d'un groupe de jeunes, des slogans visant le chef d'état-major de l'armée. Pour âami Ahmed comme l'appelait ces jeunes, ce dernier (Gaïd Salah, ndlr), à travers son attitude, "pousse inexplicablement à l'abrasement, feignant ignorer que le peuple n'est pas près d'abdiquer et que l'on est au seuil de la désobéissance civile". Il espère, toutefois, que Gaïd Salah méditera à l'écoute de la voix du peuple de ce 24e vendredi de mobilisation.