Selon l'avocat, expert en droit international, l'extradition de Khaled Nezzar pourrait être refusée pour manque de garanties sur le respect des droits de l'Homme, "notamment le droit à un procès équitable, si nous nous référons à la soixantaine de procès d'opinion enregistrés depuis le 22 février". Liberté : Des mandats d'arrêt internationaux ont été émis par le parquet du tribunal militaire de Blida contre Khaled Nezzar, son fils et un de ses proches. La convention d'entraide judiciaire entre l'Algérie et l'Espagne inclut-elle le type d'accusations dont ils font l'objet ? Me Koceïla Zerguine : En effet, il existe deux conventions. La première, c'est la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre l'Algérie et le royaume d'Espagne signée à Madrid en 2002 (entrée en vigueur le 8 février 2004 par le décret présidentiel n° 04-23). La deuxième, c'est la convention d'entraide judiciaire portant ratification de la convention d'extradition entre l'Algérie et le royaume d'Espagne (entrée en vigueur par le décret présidentiel n° 08-85 du 9 mars 2008, signée à Alger le 12 décembre 2006). Au regard de cette dernière, les deux parties s'engagent, à la demande de l'une d'elles, à se livrer réciproquement, conformément aux règles et conditions déterminées par ladite convention, les personnes se trouvant sur le territoire de l'autre partie et qui sont réclamées pour être jugées ou pour exécuter une peine privative de liberté prononcée par les autorités judiciaires de l'autre partie en raison d'une infraction donnant lieu à extradition. L'article 2 de ladite convention rajoute les infractions donnant lieu à extradition pour les personnes qui sont poursuivies pour des infractions punies par les lois des deux parties d'une peine d'au moins deux (2) ans d'emprisonnement ; les personnes qui sont condamnées pour de telles infractions, contradictoirement ou par défaut, par les tribunaux de la partie requérante à une peine d'au moins six mois d'emprisonnement. Si la demande d'extradition vise plusieurs infractions distinctes punies chacune par la loi des deux parties d'une peine privative de liberté, mais dont certaines ne remplissent pas les conditions relatives au taux de la peine, la partie requise aura la faculté d'accorder également l'extradition pour ces dernières. Dans le cas de l'affaire de Khaled Nezzar et son fils, ainsi que leur proche, poursuivis pour complot et atteinte à l'ordre public, ces chefs d'accusation sont, par conséquent, inclus dans cette convention, par rapport à la qualification des faits. Quelles seraient, éventuellement, les entraves à l'aboutissement de la procédure ? Les entraves ou plutôt les recours qui peuvent être formulés afin de suspendre la procédure d'exécution sont indiqués par l'article 4 de ladite convention qui détermine ainsi les cas de refus d'extradition. Elle sera refusée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme infraction politique ou connexe à une infraction politique. Lorsque l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme exclusivement militaire, lorsque l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée est punie de la peine de mort par la législation de la partie requérante et lorsque la peine de mort n'est pas prévue par la législation de la partie requise pour une telle infraction, l'extradition sera refusée, à moins que la partie requérante ne donne des assurances jugées suffisantes que la peine de mort ne sera pas requise, que si elle est prononcée elle ne sera pas exécutée. L'extradition pourra être refusée si la partie requise a de sérieux motifs de croire que la demande d'extradition a été présentée en vue de poursuivre ou de punir la personne réclamée en raison, entre autres, de ses opinions politiques ou qu'il pourrait être porté atteinte à la position de cette personne lors de procédures judiciaires pour l'une de ces raisons. Dans des cas exceptionnels, la partie requise, tenant également compte de la gravité de l'infraction et des intérêts de la partie requérante, estime que l'extradition serait incompatible avec des considérations humanitaires au regard, entre autres, de la santé de la personne ou de toutes autres circonstances y afférentes. Sachant que le royaume d'Espagne a refusé par le passé une demande d'extradition formulée par le gouvernement algérien dans l'affaire du militant mozabite Salah Abouna, poursuivi avec le défunt Kamal-Eddine Fekhar dans l'affaire dite "des événements de Ghardaïa". Il ne va pas s'aventurer à livrer une personne dans le contexte actuel où les droits de l'Homme sont peu respectés, notamment le droit à un procès équitable, si nous nous référons à la soixantaine de procès d'opinion enregistrés depuis le 22 février. Vous êtes l'un des avocats de Nadir Leftissi, contre lequel le procureur de la République a requis 10 ans de prison ferme et 200 000 DA d'amende parce qu'il a porté l'étendard amazigh. Êtes-vous inquiet de l'issue du procès ? Quand le procureur de la République déclare publiquement dans son réquisitoire qu'il n'a pas trouvé dans l'arrêt de renvoi ce qui pourrait apaiser sa haine, pour requérir par la suite 10 ans de prison ferme et une amende de 200 000 DA ferme, on ne peut qu'être inquiet du sort de notre mandant, une première d'ailleurs dans l'histoire des annales judiciaires. Nous avons eu le sentiment de vivre toujours avec les mêmes pratiques de l'ère du parti unique, sachant que ce même procureur a manifesté devant la Cour d'Annaba avec l'ensemble des magistrats pour scander les revendications favorables au hirak. Si notre confiance est grande en la personne de la présidente d'audience, connue pour sa droiture et son intégrité, les condamnations prononcées récemment dans des affaires similaires par le tribunal de Chlef ne nous laissent pas indifférents. Le procureur général, auteur d'un réquisitoire très sévère, était, il y a quelques semaines, au premier rang des rassemblements des magistrats contre le régime. Pourquoi, selon vous, s'est-il montré aussi dur contre un détenu d'opinion ? Plusieurs magistrats, comme ce procureur, sont sortis pour demander l'indépendance de la justice ainsi que d'autres revendications d'ordre professionnel. Il y a plusieurs magistrats qui ont dénoncé publiquement la pression exercée sur eux. Ce n'est un secret pour personne que certains d'entre eux se sont alliés au peuple pour ne pas endosser la responsabilité morale et historique de ne pas l'avoir soutenu dans ces moments historiques que vit le pays depuis le 22 février. Maintenant que le pouvoir est entre les mains du général du corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, lequel a demandé publiquement l'interdiction de l'emblème amazigh, certains magistrats ont choisi naturellement leur camp.