La convention relative à l'extradition entre l'Algérie et le Royaume-Uni a été ratifiée et publiée le 13 décembre dernier au Journal officiel. À la veille de l'ouverture du premier procès du scandale financier Khalifa à Blida, la présence du principal accusé, Rafik Abdelmoumen Khalifa, est plus qu'utopique. Sera-t-il présent au procès ou pas ? La question à un stade aussi avancé de la procédure judiciaire ne vaut même plus la peine d'être posée. Il est clair aujourd'hui que Rafik Abdelmoumen Khalifa ne sera pas demain à Blida pour l'ouverture du procès de l'affaire dite de la caisse principale d'El Khalifa Bank. S'il a fait l'objet de mandats d'arrêt internationaux, aucune procédure d'extradition ne pouvait être entamée faute d'instruments judiciaires entre Alger et Londres. Même si un groupe mixte d'experts travaillait sur le dossier. Il reste néanmoins à savoir s'il assistera aux procès des autres affaires actuellement en cours d'instruction au niveau du tribunal de Chéraga près la cour de Blida. Cela dépendra à la fois des justices algérienne et britannique. La première pour la mise en œuvre de toutes les voies légales pour le faire extrader, la seconde pour accepter l'extradition de l'ex-golden boy de son refuge londonien. La ratification de la convention relative à l'extradition entre l'Algérie et le Royaume-Uni offre aujourd'hui une assise et un instrument juridique aux magistrats algériens afin qu'ils puissent entamer les procédures. Le chef de l'Etat l'a ratifié, selon le décret présidentiel n°06-464, le 11 décembre 2006. Le texte entrera en vigueur 30 jours après l'échange des instruments de ratification. Cette convention a été signée le 11 juillet 2006 par les ministres de la Justice à la faveur de la visite officielle du Président en Grande-Bretagne, en juillet 2006. Les deux pays s'engagent en effet à “se livrer les personnes devant être jugées ou devant subir une peine dans l'Etat requérant, à raison d'un fait donnant lieu à extradition”. Les infractions punies par les lois nationales d'une peine d'emprisonnement ou d'une autre peine privative de liberté d'au moins une année ou d'une peine plus sévère donnent lieu à extradition. Si la demande d'extradition vise une personne reconnue coupable de la commission d'une telle infraction, recherchée pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou d'une autre peine privative de liberté, l'extradition n'est accordée que si une peine de quatre mois au moins ou une peine plus sévère a été prononcée. L'extradition peut être refusée pour divers motifs tels que celui d'un jugement définitif ayant été prononcé dans l'Etat requis pour les même faits. Elle peut également être rejetée lorsque le laps de temps depuis que l'infraction a été commise rend l'extradition injuste ou arbitraire, ou qu'il y a prescription selon la législation de l'une des parties, qu'une amnistie est intervenue dans l'un des deux Etats, ou qu'elle est considérée comme une infraction politique à l'exception des infractions terroristes ou encore exclusivement militaire. Alger et Londres, “soucieux de respecter les droits conférés à toute personne poursuivie tels qu'ils sont définis par les instruments internationaux des droits de l'Homme”, ont affirmé dans la convention que l'extradition peut être refusée lorsqu'elle est susceptible de violer les principes internationaux des droits de l'Homme et, en particulier, ceux prévus dans le pacte international sur les droits civils et politiques, adopté à New York, le 16 décembre 1966. “Lorsque l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée est punie de la peine de mort par la législation de l'Etat requérant et lorsque la peine de mort n'est pas prévue par la législation de l'Etat requis pour une telle infraction, l'extradition pourra être refusée à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l'Etat requis, que la peine de mort ne sera pas exécutée”, ajoute la convention. Il s'agit là de règles générales voire élastiques que les magistrats peuvent interpréter à leur guise mais qui sont aussi susceptibles de simplifier ou de bloquer une procédure d'extradition dans un sens comme dans l'autre. Une année de dures négociations. C'est le temps qu'il a fallu aux experts algériens et britanniques pour s'entendre sur les clauses et les dispositions d'un accord sollicité par le Royaume-Uni après les attentats de Londres en juillet 2005. Les Britanniques étaient désireux alors de se débarrasser des individus qu'ils jugeaient dangereux pour la sécurité de leur territoire notamment ceux accusés de terrorisme. Les Algériens ne voulaient pas d'un accord à deux vitesses où Londres pouvait extrader qui il voulait, et Alger se voir refuser la remise des individus que la justice algérienne recherchait, Khalifa en tête. Londres voulait également un droit de regard sur le sort des personnes extradées, chose inconcevable et inacceptable pour Alger. Le cas de Rafik Khalifa pourrait devenir le feuilleton judiciaire algéro-britannique. D'autant que les procédures d'extradition en Grande-Bretagne s'apparentent à de véritables batailles juridiques qui durent et perdurent dans le temps. Le cas de Rachid Ramda illustre on ne peut mieux les arcanes de telles procédures. Soupçonné par les autorités françaises d'être le financier des attentats de 1995 à Paris, Ramda avait utilisé pendant dix ans tous les recours pour éviter cette extradition à laquelle un juge avait pour la première fois donné son accord en juin 1996. Un principe du droit de la défense auquel la justice britannique offre toutes les garanties. Seule certitude, les Britanniques, qui ont depuis le mois de juillet 2006 extradé plusieurs ressortissants algériens pour motif de sécurité nationale, ne pourront que très difficilement user de l'argument du non-respect des droits de l'Homme en Algérie ou de l'existence de la peine de mort dans la législation nationale pour justifier un quelconque refus. Un moratoire sur la peine de mort est en vigueur depuis 1993 et l'Algérie a révisé sa législation pour la suppression de la peine capitale sauf pour atteinte à la sécurité de l'Etat. Celle-ci ne s'applique pas aux crimes économiques et financiers. Donc, pas à Abdelmoumen Khalifa. Samar Smati