Dans un communiqué rendu public, le Syndicat national des magistrats va jusqu'à considérer "illégales" les sanctions prononcées par le garde des Sceaux. Le Syndicat national des magistrats (SNM) monte au créneau pour contester les sanctions prononcées par le ministre de la Justice, garde des Sceaux à l'encontre de deux magistrats, suspendus de leurs fonctions, et d'un procureur de la République, limogé. Dans un communiqué rendu public, le Syndicat national des magistrats va jusqu'à considérer "illégales" de telles mesures. "C'est avec beaucoup d'étonnement et de regret que nous avons pris connaissance du communiqué du 14 août dernier du ministère de la Justice qui fait état de la suspension de deux magistrats et du limogeage d'un procureur de la République, conformément aux articles 65 et 26 de la loi organique numéro 04-11 du 6 septembre 2004, portant statut de la magistrature, une loi comportant des anomalies". Le SNM explique que, dans son paragraphe 1, l'article 65 autorise le ministre de la Justice "de suspendre temporairement un magistrat, en cas de faute grave, et ce, après une enquête préliminaire et après en avoir informé le bureau du syndicat". Toutefois, poursuit-il, dans son paragraphe 2, l'article 65 "interdit clairement que la suspension fasse l'objet d'une publicité, et ce, conformément au principe de la présomption d'innocence universellement consacré, et dont l'objet est de protéger la réputation et la place de l'autorité judiciaire de tout ce qui peut altérer la confiance du citoyen en elle". Aussi, le SNM exprime-t-il sa préoccupation devant "cette violation manifeste des dispositions de la loi de la part du ministère de la Justice". Le syndicat estime, par ailleurs, qu'il "est mal à propos de justifier la suspension d'un procureur en se basant sur l'article 26 de la loi organique dont il est question", expliquant : "Cet article confère au ministre de la Justice, si l'intérêt public le commande, de muter les magistrats, de les nommer à d'autres postes (…) tout en tenant informé le Conseil national de la magistrature." "Mais, ajoute-t-il, cet article ne permet pas du tout au ministre de la Justice de mettre fin aux fonctions des magistrats." Et de souligner : "Le limogeage des magistrats est de la seule compétence du Conseil supérieur de la magistrature, et ce, conformément aux articles 68, 84 et 86 de la loi organique des magistrats." Dans son communiqué, le Syndicat national des magistrats "invite, par ailleurs, le ministre de la Justice et les médias à respecter la loi et à mettre fin à la publicité et à l'atteinte à l'honneur des magistrats suspendus". Aussi, il avertit qu'il "n'acceptera pas d'être lui-même victime d'une violation de la loi qu'il veille à protéger en tant que représentant légitime de l'autorité judiciaire". Il affirme qu'il "n'hésitera pas à exercer les pouvoirs que lui confère la loi et à réagir de la manière qu'il juge opportune, en cas de situation analogue à l'avenir". Le SNM insiste enfin sur le fait que cette "clarification ne veut aucunement dire qu'il est contre la lutte contre la corruption". "Au contraire, est-il mentionné dans ce communiqué, nous appelons, tout comme le font d'autres pans de la société algérienne, qui se sont révoltés contre la corruption et les corrompus, à purifier tous les secteurs de ceux qui sont impliqués dans les affaires de corruption, sans exclure les magistrats." Mais, y est-il ajouté, "le syndicat veille à ce que cela se fasse dans le respect des lois de la République et de la présomption d'innocence, loin de toute publicité et atteinte à la réputation des institutions". Il est utile de rappeler que le ministre de la Justice, garde des Sceaux a annoncé, dans un communiqué diffusé jeudi, avoir mis fin aux fonctions du procureur général à la cour de Tlemcen, pour cause "d'abus de fonction", ainsi que pour "transgression volontaire des procédures judiciaires". "Le dossier de ce dernier est transmis à la justice", y est-il précisé. Pour ce qui est de la suspension des deux magistrats, le communiqué indique que le premier est un juge au tribunal d'El-Harrach "accusé d'usurpation d'identité et de violation de l'obligation de réserve", et que le second est un juge à la cour de Tiaret "suspendu pour abus de fonction, ainsi que pour pratiques qui touchent à la réputation de la justice".