Les deux prétendants au palais d'El-Mouradia étaient la cible particulière des manifestants. à l'instar des autres millions d'Algériens qui sont sortis massivement hier, les Algérois se sont montrés plus intransigeants encore, en réservant la même réponse aux décideurs : "Non aux élections avec les bandes. Le seul objectif du hirak pour l'instant est la transition". Ces mots portés sur une pancarte lors de la marche au centre d'Alger résument l'état d'esprit des hirakistes. Ils ont, en fait, renouvelé leur position : "Sans l'acquiescement total du peuple, rien ne sera fait." En fait, ils étaient aussi plus nombreux à battre le pavé des artères du centre d'Alger. Les grandes rues du parcours de la contestation étaient noires de monde. La foule était au rendez-vous. Ils ont démarré du haut de la rue Didouche-Mourad, de la place du 1er-Mai en passant par les boulevards Hassiba-Ben Bouali et Amirouche, ou encore de Bab El-Oued et de la place des Martyrs via les rues Asselah-Hocine, Zighoud-Youcef et Larbi-Ben M'hidi, en empruntant l'avenue Docteur-Saâdane et la rue du 19-Mai-1956. Les Algérois devaient jouer des coudes pour se frayer un passage afin d'atteindre la place Audin ou le jardin Khemisti, après l'interdiction de l'esplanade de la Grande-Poste. Ils ont montré, encore une fois, qu'ils redoublaient d'ingéniosité en scandant de nouveaux slogans dénonçant clairement les manœuvres du pouvoir en place. Comme ce nouveau vendredi intervient au lendemain du "cérémonial" de retrait de formulaires de candidatures, les manifestants ont décrié les candidatures des ex-Premiers ministres Ali Benflis et Abdelmadjid Tebboune. "Ni Tebboune encore moins Benflis, le président c'est le peuple". D'autres manifestants ont crié haut et fort : "Allez remplir les formulaires aux Emirats arabes unis", "Allez voter aux Emirats", ou encore "Il n'y aura jamais de cinquième mandat", allusion aux deux candidats du système. Contrairement aux précédents rendez-vous hebdomadaires de la révolution pacifique, des citoyens ont préféré faire leur hirak sans observer la "pause prière de vendredi". Ils ont dû poursuivre l'insurrection pacifique même entre 13h et 13h30. D'ailleurs, un citoyen qui a déployé pour la circonstance une banderole qui rappelle aux décideurs que "le peuple est assez grand pour décider de son destin", nous a pris à témoin : "Aujourd'hui (ndlr, hier vendredi), je ne fais pas la prière du vendredi. Je m'acquitterai de cette obligation le soir à la maison, nous sommes en train de mener un combat pacifique contre le système, l'urgence aujourd'hui est de faire tomber le régime politique." Il importe de souligner que la manifestation a commencé bien avant la fin de la prière de vendredi. Les manifestants ont réussi à occuper les places habituelles de la contestation après une âpre partie de cache-cache avec les policiers qui voulaient les en empêcher.