– Sétif, Guelma, Bordj Bou Arréridj : La rue ne fléchit pas Depuis le 22 février dernier, les vendredis se suivent et se ressemblent à Sétif, où les opposants au régime ont battu le pavé, hier pour la 32e fois consécutive. N'ayant pris aucune ride, les slogans, fustigeant un pouvoir en panne d'idées, reviennent une fois de plus au galop. «Maakach elvot maa el isaabate !» (Pas de vote avec les clans) «Djibou listimarat min El Imarate !» (Ramenez les formulaires des Emirats) tels sont les principaux slogans lancés par une foule déterminée plus que jamais. A travers de tels mots d'ordre, le mouvement populaire réitère son rejet des élections du 12 décembre prochain. Ayant exprimé leur désir de se présenter aux prochaines échéances électorales, Benflis et Tebboune en ont eu pour leur grade. «Avec les candidatures de Benflis et Tebboune, deux purs produits d'un système sclérosé, le régime essaye de se régénérer. Les tentations aventurières des derniers sbires du système n'aboutiront pas. Ayant pu mettre hors d'état de nuire l'idée du 5e mandat, le mouvement citoyen milite pour faire émerger une nouvelle race d'hommes politiques en mesure de concevoir un projet de société à la dimension des aspirations de ce grand peuple», s'insurgent de nombreux manifestants. «Nous ne participerons pas à une farce politique préparée d'avance», l'on pouvait lire sur des pancartes brandies par les Guelmis lors de la marche d'hier. «Si le pouvoir politique n'est pas sous le contrôle du peuple, il se rebiffera forcément contre lui, la solution est simple : le départ du gouvernement, la libération des détenus d'opinion et plus que tout l'ouverture aux libertés individuelles» soutiennent dur comme fer les marcheurs à Guelma. En effet, si le compte à rebours aux élections est déjà lancé, les hirakistes guelmis n'imaginent pas un instant que ce scénario ira jusqu'au bout. A Bordj Bou Arréridj, le principal message des milliers de manifestants est : «Pas de vote avec la îssaba !», scandé en arabe, en tamazight et en mélange des deux. On pouvait lire aussi, sur des pancartes, des slogans fustigeant certaines anciennes figures du système qui prétendent à la fonction suprême, d'autres appellent à «rendre le pouvoir au peuple». Au carrefour jouxtant la maison de la culture, les marcheurs ont marqué une halte pour sortir «le répertoire» des slogans hostiles au système, dont le fameux tube d'Oulahlou Pouvoir assassin, avant de clore avec l'hymne national et de se disperser. K. Beniaiche, K. Dadci, M. A. – Annaba, Jijel, Souk Ahras : «Ya Tebboune ya Benflis, had echâab houwa erraïs !» Le Cours de la Révolution, la plus importante place publique de la wilaya, n'a pas désempli hier au 32e vendredi de contestation et les manifestants de Annaba ont maintenu leur position face à l'élection du 12 décembre : «Ni Tebboune ni Benflis, le peuple est le Président», «Pas d'élection avec la bande», «Pas de vote avec les habitués aux casse-croûtes». Cette fois, ils sont venus par milliers, des quatre coins de la wilaya, pour insister fermement sur le départ de tout le système en place qui veut se recycler à travers des vieilles figures, toutes rejetées par le peuple. Les protestataires ont brandi des pancartes, sur lesquelles on pouvait lire en majorité : «Allah Akbar, Karim Tabbou», «Pouvoir assassin», «Libérez nos frères détenus»… Devenues traditionnelles, les hostilités à l'encontre du chef d'état-major ont été également scandées à volonté par les manifestants. A Jijel, les slogans ont ciblé les élections et le chef d'état-major de l'armée. On comprendra que la rue rejette catégoriquement une élection avec Bensalah et Bedoui toujours en poste en scandant «Yetnahaw g3a !» (Ils dégageront tous), «Organisez des élections dans les casernes !» Benflis et Tebboune se retrouveront eux aussi dans le collimateur des manifestants qui leur diront : «Le président c'est ce peuple !» Gaïd Salah sera ciblé comme les semaines précédentes par les manifestants qui ont scandé : «Adalat etilifone, wal Gaïd wella feraoun !» (La justice du téléphone et Gaïd se prend pour un pharaon), «Ce peuple ne veut plus d'un pouvoir militaire !» Les marcheurs demanderont par ailleurs la libération des détenus d'opinion, dont les plus connus Tabbou, Boumala et Bouregâa. Pour leur part, les manifestants à Souk Ahras ont signifié leur refus de la reconduction des anciens responsables gouvernementaux avec comme seule alternative le changement radical à tous les niveaux de responsabilité. Les marcheurs n'ont pas fléchi depuis le premier vendredi du hirak et la feuille de route initiée par l'Etat est loin de les convaincre. Ils ont scandé en chœur «Benflis dégage» et exprimé tout leur refus de revoir ceux-là mêmes qui sont responsables de la dérive politique se porter candidats pour les prochaines élections. Les marcheurs ont invité deux représentants d'une chaîne privée à quitter les lieux : «Vous représentez une presse où l'Algérien ne peut pas se reconnaître !», «Vous êtes nés apprivoisés et aux ordres, quittez le hirak !» M.-F. G., Fodil S., A. Djafri – Biskra, Tébessa, Oum El Bouaghi : «Pas de vote avec les gangs» Encore une fois, des centaines d'irréductibles du hirak de Biskra se sont rassemblés hier pour le 32e vendredi de suite pour réclamer la fondation d'une nouvelle Algérie débarrassée d'un système politique «sclérosé, pénalisant et inopérant», selon eux, et scander leur refus d'une élection présidentielle «précipitée et déjà entachée de soupçons de fraude» et leur rejet viscéral d'un Etat militaire et caporalisé, mais pour une société civile, démocratique et libre. «Pas de vote avec les gangs !», «Remplissez les formulaires aux Emirats arabes !», «Vous, les protégez et nous les déboulerons !», «C'est notre pays, nous en faisons ce que nous voulons !», «Les généraux à la poubelle et l'Algérie sera souveraine !», «Vous qui faites la sieste, levez-vous, vous êtes aussi concernés !», ont clamé les manifestants de toutes les conditions qui ont fait une longue halte à la trémie, arpenté l'avenue Zaâtcha avant de rejoindre sans heurts la place de la Liberté au centre-ville de Biskra, a-t-on constaté.. A Tébessa et comme à chaque vendredi, les marcheurs réagissent aux développements que connaît la scène politique nationale. Alors que certains ont brandi des pancartes réclamant la liberté des détenus d'opinion, dont Karim Tabbou, d'autres ont exprimé leur rejet de la candidature à la présidentielle de Ali Benflis et de Abdelmadjid Tebboune comme étant des anciens du régime de Boutflika. «Nous sommes sortis le 22 février à la recherche des personnes intègres qui pourraient sortir le pays de cette impasse politique. A notre surprise aujourd'hui, ce sont deux anciens du régime de Boutflika qui resurgissent», s'est indigné, Salim, un instituteur. A Oum El Bouaghi, Boubakeur Abdellaoui, professeur et consultant en énergie et inconditionnel du mouvement populaire, nous donne sa vision sur ce hirak. «Nous sommes tous responsables devant l'histoire pour sauver la démocratie et par là même la stabilité du pays. L'Algérie a aujourd'hui besoin d'un Président jeune, capable de prendre les rênes du pays avec assurance et de le mener vers le progrès.» C'est ce à quoi aspirent les citoyens qui marchent et marcheront tous les vendredis pour que se réalise leur vœu, à savoir vivre dans un pays développé et serein. H. Moussaoui, S. Lakehal , L. Baâziz