Gel de la planche à billets, retour à l'endettement extérieur, révision de la loi sur les hydrocarbures, réaménagement de la fameuse règle des 51/49% qui régit l'investissement étranger depuis plus d'une décennie, remise en cause de l'option d'industrialisation par l'investissement à grande échelle dans le montage automobile… Ce sont là autant de bouleversements économiques, d'apparence majeure, que le gouvernement actuel, bien que précaire et illégitime, tente de présenter comme étant autant de réformes-clés qu'il prévoit de mettre en œuvre sans délai, en guise de prélude à un changement de politique économique. Pourtant, à considérer ces décisions de plus près et à l'aune de la crise politique en présence, il apparaît plus qu'évident que le pouvoir en place ne tente ni plus ni moins que de donner l'illusion d'une rupture définitive avec tout ce qui, deux décennies durant, a symbolisé le fondement même de la politique économique conçue et imposée par le président déchu Abdelaziz Bouteflika. L'interdiction de recourir aux emprunts externes de peur de retomber sous le joug de l'endettement et du FMI, le 51/49% généralisé comme nulle part ailleurs et la planche à billets pour faire face au creusement des déficits publics ont constitué en effet autant de principes économiques érigés en dogmes inébranlables sous l'ère de l'ex-chef de l'Etat. Des dogmes qui, sitôt révolu le temps du pétrole à plus de 100 dollars, se sont vite révélés être autant de choix funestes pour le devenir économique du pays. En s'évertuant, cependant, à vouloir les démanteler, le gouvernement actuel de gestion des affaires courantes, légitimement contesté et légalement en partance, ne fait assurément que s'adonner au populisme en tentant de donner l'impression d'une rupture avec une ancienne mauvaise gouvernance. Une illusion de rupture économique en tous points semblables d'ailleurs à celle politique qui voudrait faire croire à un changement de régime désormais acquis par le seul évincement du clan des Bouteflika. Loin s'en faut, bien évidemment, car les changements de gouvernance ne peuvent s'opérer que dans un cadre institutionnel légitime et stable permettant la mise en branle de réformes et d'ajustements devant nécessairement s'inscrire dans la durée. C'est ainsi qu'en termes de gouvernance économique, la levée des restrictions liées à la règle des 51/49% ne peut suffire à rompre avec un climat d'affaires structurellement défavorable à l'investissement étranger ou résident, car marqué par tant de forces d'inertie, dont surtout de sempiternelles pratiques politico-bureaucratiques. De la même façon, les quelques aménagements fiscaux apportés à la loi sur les hydrocarbures ne peuvent constituer une solution définitive aux appels d'offres infructueux de la compagnie pétrolière nationale, les investisseurs fuyant plus que tout l'instabilité juridique et les changements institutionnels et législatifs à répétition. Et ni l'arrêt de la planche à billets ni la décision d'ouvrir la voie à l'endettement extérieur ne peuvent suffire à garantir une gestion budgétaire saine et une allocation efficiente des ressources vers le financement d'investissements productifs. Seul un changement effectif de gouvernance politique peut permettre en effet une rupture réelle avec les archaïsmes qui, depuis des décennies, continuent à compromettre tout espoir de décollage économique.