Le sort en est jeté. Après plusieurs années de désendettement et de rupture absolue avec les financements extérieurs, l'Algérie se voit désormais contrainte de réemprunter le chemin périlleux de l'endettement. Tarissement de la rente pétrolière oblige, le pouvoir renonce ainsi, la mort dans l'âme, à l'un des principaux dogmes qui fondent sa politique économique et financière depuis le début des années 2000. Souvenons-nous avec quel entrain le gouvernement s'était empressé, au milieu de la décennie précédente, à allouer d'importantes ressources aux remboursements anticipés de la dette extérieure, malgré de nombreux avis divergents qui appelaient plutôt à orienter ces financements vers les besoins internes d'investissement. Souvenons-nous aussi avec quelle autorité le président Bouteflika avait décrété, à la même période, l'interdiction définitive de recourir aux financements extérieurs, estimant que l'on pouvait éviter ainsi un nouveau traumatisme de cessation de paiement. Tout récemment encore, un ancien ministre des Finances et ex-conseiller de Bouteflika, en l'occurrence Abdellatif Benachenhou, s'est targué, lors d'une conférence à Alger, d'avoir «fait du désendettement dans les années 2000», tout en avertissant contre la tentation de retomber à nouveau dans le piège de l'endettement. Durant près de quinze ans, la rupture avec l'endettement a été ainsi brandie tel un garde-fou contre le péril d'échoir à nouveau sous d'atroces conditionnalités de créanciers internationaux. Erigé en dogme, le principe d'un maintien de la dette à un niveau presque négligeable a, du reste, souvent été arboré comme une formidable prouesse née de la grande sagesse économique du pouvoir en exercice. Sauf que de tels dogmes ne peuvent continuer à avoir court que tant que la rente du pétrole et du gaz peut suffire à dispenser le pays de chercher de l'argent ailleurs. Et voilà qu'au bout d'à peine deux années de conjoncture pétrolière défavorable, l'Algérie éprouve à nouveau le besoin de recourir aux financements extérieurs pour couvrir certains de ses projets d'équipement. Après l'accord avec la Chine en vue de contracter quelques prêts pour financer notamment un grand projet de port, c'est donc au tour d'une des entreprises les plus stratégiques du pays, Sonelgaz en l'occurrence, d'exprimer ouvertement son besoin de recourir à des financements extérieurs pour couvrir ses investissements. Sans être une tare en soi, le retour à l'endettement extérieur pour financer l'investissement dénote, néanmoins, de l'absence totale d'une vision économique claire ; les choix qui s'opèrent en la matière continuant à ne dépendre que de la conjoncture qui prévaut sur les marchés pétroliers. C'est ainsi que l'on a décidé de stopper les financements externes quand les prix du brut évoluaient à la hausse, et c'est de même que l'on décide aujourd'hui d'y recourir à nouveau sous la contrainte de la dégringolade du cours du baril. Entre les deux périodes, l'aisance financière a cessé sans que la pléthore de ressources financières et bancaires tirées de la rente pétrolière n'ait été utilisée à bon escient pour éviter au pays d'ouvrir un nouveau cycle d'endettement.