Le peuple a montré sa détermination à ne pas faire machine arrière avant l'aboutissement de sa révolution. La révolution du peuple contre le système s'est poursuivie, hier à Alger, avec la même ferveur qu'à ses premières heures, pour le 35e vendredi consécutif. En effet, ils étaient des centaines de milliers de citoyens à battre le pavé pour réitérer leur rejet de la feuille de route du pouvoir, notamment l'élection présidentielle qu'il tente, contre vents et marées, d'imposer pour le 12 décembre prochain. L'adoption, en début de semaine, par le Conseil des ministres du très controversé projet de loi sur les hydrocarbures a davantage attisé la colère de la rue. "Baouha, baouha el-khayanine baouha" (Les traîtres l'ont vendu), allusion faite au pays, est le slogan qui a retenti le plus pour dénoncer le bradage des ressources hydrocarbures. "Même si vous nous menottez, nous n'irons pas voter", ou encore "Makanch el-intikhabat mâa el-îssabat" (Pas d'élection avec la bande mafieuse), et "Dirou el-intikhabat fi el Îmarat" (Allez organiser votre élection aux Emirats). Tels sont, par ailleurs, les slogans scandés par les manifestants qui jurent de tout faire pour barrer la route à cette "mascarade" à laquelle seule la clientèle du pouvoir adhère. À ceux qui croyaient voir le hirak s'essouffler avant la satisfaction de ses revendications dont l'annulation de cette échéance mais aussi le "départ de tous les symboles du système", le peuple a montré, une fois de plus, sa détermination à ne pas faire machine arrière avant l'aboutissement de sa révolution. "Wallah ma rana habsine, hatta trouhou gaâ" (Nous ne nous arrêterons que lorsque vous partirez tous), jurent les manifestants, qui croient, plus que jamais, à la possibilité de "libérer" le pays du joug du système qui dure depuis l'indépendance à ce jour. "Pour une Algérie libre et démocratique", "Pour un Etat civil et non militaire" sont autant de slogans hostiles, scandés hier encore par les citoyens pour signifier leur rejet du régime militaire. L'approche de la date charnière du 1er Novembre, jour du déclenchement de la guerre de Libération en 1954, semble galvaniser davantage les Algériens, en ce sens qu'ils ont remis au goût du jour l'historique Bataille d'Alger. "Ali Amar, le pays est en danger, nous poursuivons la Bataille d'Alger (...)" est l'un des "hymnes" sortis à l'occasion. Comme lors des récents vendredis, les manifestants n'ont pas manqué de réclamer la libération des détenus d'opinion. "Libérez nos enfants et arrêtez les vôtres", "Nos enfants n'ont pas vendu de la cocaïne pour être mis en prison", ont scandé les manifestants. L'allusion est claire ! La manifestation était, par ailleurs, un réceptacle ouvert à différentes catégories de la société et à tendance politique. Ce qui a donné lieu à des scènes multiples, allant des cortèges de militants politiques aux tifosis de clubs algérois. La divergence des obédiences et des opinions ne sont pour autant guère synonymes de division. Bien au contraire, les citoyens ont, pour la énième fois, fait montre d'une solidarité exemplaire pour défendre le principe de l'unité nationale. "Casbah, Bab El-Oued, gaâ Imazighen" (La Casbah et Bab El-Oued sont tous des Amazighs) et "Khawa khawa" (frères) sont parmi les slogans scandés pour réaffirmer cette unité. Pour la première fois depuis plusieurs vendredis, une vieille dame a même osé brandir, depuis son balcon, l'emblème amazigh, suscitant la solidarité des foules passantes. La manifestation qui a débuté après la prière du vendredi a duré jusqu'en fin de journée. La foule dense a investi l'ensemble des grands boulevards de la capitale. Contrairement aux récents vendredis, le dispositif de la police a été, cette fois-ci, relativement allégé et les services de sécurité n'ont pas procédé à des interpellations. Du coup, la manifestation a été pacifique sur tous les plans.