Le message des Algériens est clairement adressé à l'institution militaire qui accapare le pouvoir depuis l'indépendance et même davantage depuis que le pays est plongé dans le vide constitutionnel. Décidément, plus rien ne peut arrêter la marche du peuple vers son indépendance. Pour preuve, ni la fermeture par les services de sécurité des accès vers Alger ni les arrestations et encore moins le dernier discours menaçant du chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, n'ont empêché les Algériens de sortir par milliers, hier pour le 21e vendredi des manifestations contre le système. "Le peuple veut son indépendance", "Algérie libre et indépendante", "Vide constitutionnel, pouvoir au peuple", "Dawla madania machi âaskaria" (Etat civil et non militaire), ou encore "Y en a marre de ce pouvoir" sont autant de slogans adressés aux résidus du système, scandés, à l'occasion, par les Algériens qui ne jurent que par leur départ à tous. "Yetnahaw gaâ", "Qu'ils s'en aillent tous" ont retenti, une fois de plus, dans les rues de la capitale. Le message des Algériens est clairement adressé à l'institution militaire qui accapare le pouvoir depuis l'indépendance et même davantage depuis que le pays est plongé dans le vide constitutionnel avec l'expiration de l'intérim présidentiel. Ouvertement, ils réclament la tête du chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, incarnant, selon eux, le pouvoir. La sentence du peuple envers le premier responsable de l'ANP est de plus en plus lourde s'agissant de ses flagrantes tentatives de diviser les rangs du peuple à travers, entre autres, son ordre d'interdire l'emblème amazigh. Ce qu'il a fini par réussir à imposer au prix d'arrestations de dizaines de citoyens, et ce, en l'absence de la moindre loi incriminant cet acte. Mesurant ce risque, les manifestants ont habilement évité d'exhiber l'étoffe "interdite" afin de ne pas se faire embarquer par les forces de l'ordre instruites en ce sens. Les rares téméraires à braver l'interdit ont été arrêtés par la police. Selon des témoins oculaires, ils seraient au moins deux citoyens à avoir fait les frais de cette interdiction à la place Maurice-Audin où un impressionnant dispositif de sécurité était dressé dès les premières heures de la journée. Pour le même motif, plusieurs autres citoyens ont été embarqués dans la matinée. L'autre fait saillant et jusque-là inédit, de ce 21e vendredi, est la tentative d'immolation d'un homme, la quarantaine environ, du côté de la Grande-Poste. Vers 14h, un homme qui a escaladé un poste de transformateur électrique se trouvant à l'esplanade, s'est s'aspergé d'essence. Les manifestants l'ont néanmoins empêché de s'immoler. Après quoi, il a été embarqué par la police. Pour contourner l'interdiction, les manifestants se contenteront de chants en hommage aux Amazighs : "Âarbi Kbaïli khawa khawa, Gaïd mâa al khawana" (Arabe et Kabyle sont frères, Gaïd est avec les traîtres), "Casbah, Bab El-Oued, gaâ Imazighen" (tous des Amazighs), "Imazighen, Imazighen"... Les milliers de manifestants ont, évidemment, réclamé à l'occasion la libération de tous les détenus. "Ya al khawana ettalgou wladna" (espèce de traîtres, libérez nos enfants) est le slogan improvisé en la circonstance. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la manifestation d'hier, et en dépit des restrictions, doit donner à réfléchir aux représentants du pouvoir qui misent sur l'essoufflement du mouvement populaire.