Désapprouvant totalement l'attitude du chef de l'Etat devant le président russe, les manifestants l'ont copieusement fustigé. La place des Trois-Horloges contenait difficilement des centaines de citoyens, drapés majoritairement dans l'emblème national. Ils attendent la fin de la prière du vendredi. L'espace public est acquis entièrement aux citoyens. Aucun dispositif de sécurité particulier n'est déployé sur les lieux. À peine deux véhicules de la Sûreté nationale à proximité du rond-point qui délimite l'ancien marché des fruits et légumes. Quelques policiers observent le remue-ménage d'avant la marche, placides. À 13h45, des clameurs s'élèvent de la foule : "Echaâb yourid el istiqlal" (Le peuple veut son indépendance). "Allah Akbar, november jay" (Novembre arrive) enchaîne-t-elle aussitôt. Le lien entre les deux slogans n'est pas fortuit. Le vendredi 1er novembre, date anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, est perçu comme un tournant décisif du hirak à quelques semaines du scrutin présidentiel. La procession prend le départ sur l'avenue Colonel-Lotfi en direction de la place des Martyrs. Au fur et à mesure qu'elle progresse, elle gagne des dizaines de marcheurs. Les femmes et les enfants sont de plus en plus nombreux. Le siège de la DGSN (Direction générale de la Sûreté nationale), qui fait face au mythique lycée Emir-Abdelkader, est logiquement protégé par un contingent de casques bleus. Les manifestants entonnent alors un chant de la contestation : "Il n'y aura pas de vote". S'adressant frontalement aux policiers, ils scandent : "La jeunesse trouh fi bouti, ou policier yrouh voti" (Les jeunes quitteront le pays dans une barque et ce sont les policiers qui voteront). Le boulevard du 1er-Novembre à peine amorcé, que les marcheurs de Bab El-Oued sont rejoints par des centaines d'habitants de La Casbah et alentour. Désormais, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui avancent sur l'avenue Zighoud-Youcef. Sur ce parcours, la présence des forces de sécurité demeure discrète. Comme il fallait s'y attendre, dès que le siège du Parlement se profile à l'horizon, à quelques encablures de l'hôtel Safir (ex-Aletti), les marcheurs changent de ton et de slogans : "Vous avez vendu le pays" ; "Le peuple veut la destitution du Parlement". À l'entame de la rue Asselah-Hocine, ils crient : "Rahoum jaw ouled Casbah-Bab El-Oued" (Les enfants de La Casbah et de Bab El-Oued sont arrivés). À l'autre bout de la rue, leurs concitoyens de Belouizdad et du 1er-Mai attendaient leur venue de pied ferme. L'horloge de la place Sofia indiquait 15h quand les deux cortèges se sont rejoints. Ensemble, ils ont mis le cap sur l'avenue Pasteur via la rue Khemisti. C'est à ce moment que les manifestants ont exprimé une rancœur profonde contre l'attitude du chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, face au président russe, Vladimir Poutine. "Bensalah, on n'humilie pas ce peuple" ; "Bensalah nous a fait honte", ont-ils fulminé.