Les magistrats ont requis, hier, l'indépendance de la justice devant les cours du pays. Sur les réseaux sociaux, les citoyens ont exigé la libération des détenus d'opinion et politiques comme gage de bonne foi. "Justice libre et indépendante", ont scandé, hier lors d'un rassemblement organisé sur le parvis de la cour d'Alger, des dizaines de magistrats. La scène n'est guère inédite. Aux premières semaines de la révolution citoyenne contre le régime, les robes noires, parées d'une hermine verte, ont rejoint les avocats qui se sont placés rapidement dans le camp du peuple. À l'époque, les juges avaient requis aussi l'affranchissement du pouvoir judiciaire de l'emprise de l'Exécutif et s'étaient engagés à ne pas mettre les manifestants en prison. Ils n'ont évidemment pas tenu parole. Pourtant, hier, ils sont revenus à la charge avec le même mot d'ordre. "L'indépendance de la justice est une revendication centrale, qu'il faut absolument consacrer sur le terrain", a asséné le magistrat, qui a lu le communiqué du jour au nom de ses confrères. "Nous ne faisons pas grève uniquement contre le ministre de la Justice, mais aussi contre la justice du téléphone", "Nous sommes là pour que la volonté du peuple soit satisfaite"… Ce sont là quelques expressions déclinées sur les pancartes portées par les magistrats, dans une action de rue coordonnée à l'échelle nationale, comme l'a précisé, dans la capitale, le président du Syndicat national des magistrats (SNM), Issad Mabrouk. Lui également a insisté, devant les représentants de la presse écrite et les caméras des chaînes de télévision, sur l'impératif de "l'indépendance de la justice pour être en phase avec les aspirations du peuple (…). On nous accuse d'être des juges du téléphone et du talkie-walkie. Si on avait conscience de la résistance des magistrats contre les pressions, on ne les accuserait pas de la sorte". Il a préconisé, alors, la révision des lois codifiant l'exercice de la magistrature. Le fait est à relever. C'est pour la première fois depuis l'entame de la grève illimitée le 26 octobre dernier, sur instigation du SNM, que les juges mettent en second plan la demande afférente à l'annulation du mouvement annuel, qui a touché près de la moitié du corps, et expriment des positions à connotation politique. "Les magistrats sont les enfants du peuple (…). Ils rendent justice en son nom et ils sont le pilier de la nation", ont-ils affirmé dans l'écrit, insistant sur la nécessité de préserver la "dignité" de ceux qui ont le pouvoir de décider du sort des justiciables. Ce discours prend, néanmoins, encore une fois l'allure d'une simple profession de foi, dès lors que des détenus d'opinion et politiques sont maintenus en détention préventive, à Alger notamment, sur injonction directe des autorités nationales. Les magistrats ont été particulièrement accablés, sur les réseaux sociaux, pour ne pas avoir rendu le verdict, tant attendu pour hier mardi 29 octobre, dans le procès des six premiers détenus pour port de l'emblème amazigh et pour avoir prolongé le mandat de dépôt du moudjahid Lakhdar Bouregâa et du jeune manifestant Amokrane Challal. "Libérez les détenus d'opinion pour retrouver votre crédibilité vis-à-vis du peuple", "Magistrats, la suspicion à votre égard est fondée et légitime. Donnez des gages au peuple si vous voulez en faire partie", ont commenté hier des citoyens sur les réseaux sociaux.