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Le gouvernement algérien évoque un "agenda du chaos"
Tout en menaçant de "reconsidérer" sa relation avec l'UE
Publié dans Liberté le 30 - 11 - 2019

La résolution adoptée jeudi dernier par le Parlement européen a suscité de vives réactions de la part du pouvoir et des candidats à l'élection présidentielle. Les réactions de l'opposition sont moins virulentes, mais beaucoup disent rejeter cette "ingérence" étrangère.
Comme il fallait s'y attendre, la résolution "non contraignante" et "non exécutoire" adoptée par le Parlement européen a provoqué une réaction très virulente des autorités. Sur le plan officiel, le ministère des Affaires étrangères est allé jusqu'à menacer l'Union européenne de "reconsidérer" les liens qui unissent les deux parties. Le MAE souligne que le Parlement européen "a surtout confirmé, à l'initiative des députés instigateurs, qu'il promeut désormais ouvertement leur agenda du chaos provoqué, qu'ils ont malheureusement mis en œuvre dans bien des pays frères".
Malgré les précisions de la haute représentante chargée des Affaires étrangères de l'Union européenne, Federica Mogherini, qui s'est démarquée de la résolution, le ministère des Affaires étrangères s'insurge contre le fait que "le Parlement européen, sur instigation d'un groupe hétéroclite de députés partisans, a pris l'outrecuidante liberté de statuer sur le processus politique en cours dans notre pays, au moment précis où les Algériens s'apprêtent à élire, en toute démocratie et transparence, un nouveau président".
"L'Algérie condamne et rejette dans le fond et dans la forme cette immixtion flagrante dans ses affaires internes", précise le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué rendu public jeudi en fin de journée. Tout en notant que, "par cette démarche, le Parlement européen a démontré son mépris, non seulement des institutions algériennes, mais également des mécanismes bilatéraux de consultation prévus par l'accord d'association" entre l'Algérie et l'Union européenne, le ministère des Affaires étrangères avertit que l'Algérie "se réserve le droit de procéder à un examen général et attentif de ses relations avec l'ensemble des institutions européennes".
Dénonciation unanime du Parlement
Avant le gouvernement, les deux institutions parlementaires du pays, l'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation, ont naturellement dénoncé ce qu'elles qualifient "d'ingérence" dans les affaires internes du pays. Pour le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, la teneur de la résolution du Parlement européen "démontre, clairement et incontestablement, une connivence sans précédent entre les ennemis de l'Algérie, de l'intérieur et de l'extérieur, à travers des agendas aux intentions et objectifs connus pour la déstabilisation de l'Algérie et l'atteinte de ses institutions constitutionnelles".
Il a ajouté, dans une allocution prononcée lors d'une séance plénière tenue jeudi, que "l'Algérie, dans toutes ses composantes, rejette et dénonce toute forme d'ingérence étrangère dans ses affaires internes". C'était aussi l'occasion pour le vieux dirigeant d'appeler les citoyens à "se diriger massivement, le 12 décembre 2019, aux urnes pour exercer leur droit libre et souverain à choisir celui qui devra présider aux commandes de leur pays durant la prochaine étape de son histoire".
Pour sa part, l'Assemblée populaire nationale (APN) a indiqué dans un communiqué que "la résolution du Parlement européen vient au moment où le peuple algérien s'apprête à aller aux urnes pour choisir un président de la République après un hirak pacifique et un accompagnement, hautement professionnel, de la part de l'Armée populaire nationale (ANP) et des différents corps de sécurité, une fois parachevés les instruments juridiques et les cadres réglementaires devant assurer la liberté, la transparence et la régularité de l'opération électorale dans le cadre d'un processus démocratique traduisant le changement que connaît l'Algérie".
"L'APN, qui considère que ce qui s'est passé (…) à Strasbourg (siège du Parlement européen) est une ingérence flagrante dans les affaires internes et une provocation à l'égard du peuple algérien, dénonce catégoriquement toute ingérence, d'où qu'elle provienne, dans nos affaires internes", ajoute le communiqué. Les partis du pouvoir ne restent pas en marge. Au sein de la classe politique, le FLN a mis 48 heures pour réagir. L'ancien parti unique exprime "son indignation et sa condamnation vigoureuse de la résolution du Parlement européen".
Le FLN a exprimé "sa conviction profonde que le peuple algérien, qui rejette l'ingérence étrangère dans les affaires internes de son pays, n'a pas de leçons à recevoir, car étant attaché à l'exercice de ses libertés, à la souveraineté de décision de son Etat et conscient des mauvaises intentions sous le couvert des libertés et des droits de l'Homme qui font l'objet de politisation". "Le Parlement européen a indûment adopté une résolution par laquelle il vise à faire le procès de l'Algérie", a déclaré, pour sa part, Azzedine Mihoubi, secrétaire général par intérim du RND et candidat à l'élection présidentielle du 12 décembre prochain.
Pour l'ancien ministre de la Culture, qui s'exprimait depuis El-Tarf, "certains députés du Parlement européen s'autoproclament porte-parole du hirak populaire", alors que "ceux qui ont déclenché le hirak populaire sont des Algériens et ont le droit de soulever leurs préoccupations à l'intérieur de l'Algérie pour rechercher des solutions entre nous". L'homme dit rejeter "les diktats et les leçons sur la liberté venant de l'extérieur".
Ali Benflis et Abdemadjid Tebboune ont également dénoncé cette résolution. Des dénonciations similaires sont également venues des anciennes organisations de masse. L'ONM (Organisation nationale des moudjahidine), des associations de défense des enfants de chouhada ou encore des partis satellites se sont tous insurgés contre la résolution des parlementaires européens. La veille, le chef de l'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, avait exprimé son "rejet" de toute "ingérence étrangère".
"Le peuple algérien, qui a crié haut et fort qu'il n'a pas besoin de leçons quelle que soit leur origine, sait parfaitement comment répondre au moment opportun à ces porte-voix qui tentent en vain de s'immiscer dans ses affaires et d'entraver le processus du passage de l'Algérie à une nouvelle ère, où elle tracera sa voie avec constance vers le progrès et la prospérité, dans la sérénité et la quiétude", avait-il indiqué à Alger. Il en était de même pour le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah.
L'opposition critique
Du côté de l'opposition, les réactions sont rares. Abdelaziz Rahabi a, lui aussi, dénoncé la résolution du Parlement européen. "La résolution du Parlement européen sur la situation en Algérie ne peut être acceptée tant dans la forme que dans le fond. Même si elle n'est pas contraignante, son caractère général, marqué par le sceau de l'urgence, alors que le pays connaît un processus interne autonome de transformation long de neuf mois, autorise à la qualifier d'immixtion dans les affaires internes d'un Etat souverain", a écrit l'ancien diplomate.
"En adoptant ce texte dans ce contexte, le Parlement européen s'ingère directement dans notre agenda politique national qui doit rester une affaire algéro-algérienne en tout temps et en toute circonstance", note encore Rahabi. Pour Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, "le hirak algérien a été utilisé par des députés de l'UE pour flatter leur propre électorat et non pas pour notre bien". "Oui à la solidarité des peuples, mais pas à n'importe quel prix.
Si l'Europe veut aider l'Algérie, elle devra faire en sorte que l'argent volé lui soit restitué", a écrit le dirigeant politique dans un tweet. La résolution du Parlement européen "ne sert certainement pas les intérêts du Mouvement populaire, car elle donne des arguments au pouvoir de fait qui va se braquer encore plus en y voyant la preuve d'une collusion avec des parties étrangères", note, pour sa part, Abdesselam Ali-Rachedi, un ancien député.

Ali Boukhlef


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