Le plus gros risque est de tenter de chercher des recettes fiscales supplémentaires sans mettre en œuvre de véritables réformes de la fiscalité et de l'environnement des affaires. Lors du dernier Conseil des ministres daté du 5 janvier, le chef de l'Etat a insisté sur l'impératif d'une réforme profonde du système fiscal avec tout ce qui en découle en termes de réglementation des incitations fiscales au profit des entreprises, en veillant à l'allègement de l'imposition appliquée aux sociétés créatrices d'emplois. Pour certains experts, le plus gros risque actuellement est de tenter de chercher des recettes fiscales supplémentaires sans mettre en œuvre de véritables réformes de la fiscalité et de l'environnement des affaires, à l'image de la dernière loi de finances et des précédentes. Cette approche n'a pas d'issue. Elle ne conduit pas à l'élargissement de l'assiette fiscale et asphyxie les entreprises, contraignant toute possibilité de croissance. Une véritable réforme fiscale passe par la remise à plat du système actuel des impositions pour aboutir à une fiscalité simple qui permet l'élargissement de l'assiette, la formalisation des secteurs informels et qui est soutenable à long terme pour les finances publiques, l'abolition de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), assise sur le chiffre d'affaire – ce qui est une aberration – et la mise en place d'un véritable impôt foncier (en % de la valeur marchande des biens) qui financerait les collectivités locales. Naturellement, pour mettre en place cet impôt foncier, il faut d'abord rendre public le registre des transactions foncières et immobilières pour avoir des données objectives et transparentes pour évaluer les valeurs marchandes. L'ancien ministre des Finances Abdelatif Benachenhou relève, dans son livre L'Algérie, sortir de la crise, publié en 2015, que le volume et la structure des recettes ordinaires reflètent la situation fragile de l'économie, la montée du secteur informel et le niveau élevé des exonérations fiscales qui "confortent la consommation et limitent la pression fiscale". Il pointe la place importante et croissante de l'impôt sur le revenu global des salariés, perçu à la source, qui est passée de 13% en 2005 à 24% de la fiscalité ordinaire en 2013, en raison principalement de la croissance de la masse salariale publique. L'ancien ministre des Finances a relevé le faible rendement de la TVA intérieure, à cause de la fraude et de l'évasion fiscales. M. Benachenhou a estimé que "l'élargissement de la base fiscale passe d'abord par une lutte contre les activités informelles et la corruption, par la suppression totale du système actuel d'exonérations fiscales au bénéfice des opérateurs économiques et la réintégration progressive de l'agriculture, des entreprises et des ménages dans la fiscalité". Dans son rapport, la Cour des comptes relève, pour 2016, et à l'instar des exercices précédents, la prédominance des recouvrements par mode de retenue à la source. Les recettes en provenance de certains impôts et taxes demeurent en deçà des attentes (IBS, recettes ordinaires, impôt sur le patrimoine…) au détriment du principe de l'égalité devant l'impôt, en raison particulièrement des difficultés rencontrées par les services de l'assiette fiscale dans la détermination de la matière imposable, par manque d'intervention chez les redevables, le manque de recensement périodique, la prolifération des phénomènes de l'évasion et de la fraude fiscales et l'importance de la dépense fiscale : 886,325 milliards DA en 2016 dont l'impact sur l'économie, à travers la valeur ajoutée que suscitent ces avantages, n'est pas évalué. En outre, le recouvrement des droits constatés reste faible, privant le Trésor public de recettes, ce qui a conduit à l'aggravation des restes à recouvrer. Récemment, lors d'une rencontre d'information sur l'amélioration du recouvrement fiscal, l'ex-ministre des Finances Mohamed Loukal a souligné que lutter contre les phénomènes de fraude et d'évasion fiscales, qui constituent un manque à gagner non négligeable au Trésor public, devient "une nécessité impérieuse à laquelle l'administration fiscale doit sensibiliser davantage ses gestionnaires, en améliorant la qualité du contrôle et du recouvrement". Pour certains fiscalistes, l'iniquité du système fiscal est la principale cause de l'émigration des contribuables vers l'informel. Ils estiment que l'architecture des impositions en Algérie est très compliquée.