Ancien président de l'Association RAJ, Hakim Addad a fait partie du premier contingent de militants politiques libérés début janvier dernier. Acteur du hirak depuis le début, il s'exprime, dans cet entretien, sur la situation du mouvement populaire et ses perspectives. Liberté : Le 50e vendredi de mobilisation a prouvé encore une fois que malgré tout, le mouvement populaire reste mobilisé. Comment expliquez-vous cela ? Hakim Addad : Loin de s'être essoufflé, le hirak reste toujours mobilisé. Les marches, qui ont eu lieu vendredi dernier et pas seulement à Alger et au centre du pays, prouvent que le peuple est toujours là. Cela présage de bonnes semaines de mobilisation pacifique. Jusqu'en prévision de la commémoration du hirak, nous serons toujours dans la rue. J'espère que cela remettra de l'ordre dans les milieux de ceux qui disent que le hirak a échoué. Pourquoi cette mobilisation demeure-t-elle ? Parce que tout simplement, le pouvoir n'a pas encore répondu, n'a pas encore compris, ni admis ce que le peuple est en train de lui demander ; c'est-à-dire le changement total du système. Il n'est pas au diapason des revendications du hirak. Pour nous, la solution n'est évidemment pas dans les individus. Nous militons pour que ce régime change totalement. C'est aussi simple que cela. Et tant que le pouvoir ne répond pas à nos revendications, les manifestations se poursuivront. Depuis quelque temps, des voix s'élèvent pour demander au hirak de changer de mode de mobilisation ou de cap. Qu'en pensez-vous ? C'est bien d'être un libre penseur, mais on ne peut pas demander à toute une population de réfléchir comme une seule personne. Les choses sont en train de se faire lentement. Il faut regarder ce qui se passe derrière les champs des caméras, des chaînes de télévision. Des réunions se tiennent un peu partout : dans les universités, dans des salles de conférences et dans des quartiers. Des gens du hirak, et pas seulement ceux qui sont issus de l'élite, réfléchissent à l'avenir du hirak. Loin des feux de l'actualité et des réseaux sociaux, des gens font des propositions pour donner une plus grande visibilité, une compréhension pour l'avenir du hirak. Une conférence nationale — elle sera suivie par d'autres — se tiendra rapidement. Ce sera dans les prochains jours. Il est vrai que cela risque de susciter des suspicions, des polémiques. Mais cela est justement le but : provoquer le débat à tous les niveaux, sans exclure personne. En revanche, je ne pense pas que le hirak doive changer de cap. Parce que changer de cap, c'est changer d'orientation, c'est travestir les objectifs du hirak. La réflexion est en train de se faire. Sans vouloir révéler le contenu des discussions qui sont en cours, les propositions tournent autour des moyens de renforcer le hirak, comment appuyer les manifestations de rue. Il y a des plateformes qui se préparent pour mettre noir sur blanc des propositions, des formules qui sont utilisées comme des slogans dans les manifestations. Car, contrairement à ce que propose le pouvoir, une nouvelle Constitution est rédigée par les représentants du peuple. En revanche, je suis personnellement contre la structuration. Car, le hirak n'est pas un parti politique. C'est une société qui formule des revendications. Il est même dangereux de structurer parce que cela risque de créer des divisions. Il est inutile d'avoir les représentants parce que j'estime que les revendications du hirak se suffisent à elles-mêmes. C'est au pouvoir de répondre à ces revendications.