Ils inscrivent leur implication dans le mouvement dans le prolongement de leur œuvre pour la libération du pays, qu'ils estiment inachevée. Révolutionnaires hier et aujourd'hui parrains de la "révolution du sourire''. D'anciens moudjahidine, comme Lakhdar Bouregâa, Djamila Bouhired ou encore Louisette Ighilahriz, ont marqué de leur empreinte cette belle séquence historique qui a vu des centaines de milliers d'Algériens sortir, chaque vendredi, dans la rue pour réclamer le départ du système politique actuel. Ni la vieillesse, ni la maladie, ni la météo n'étaient des arguments assez forts pour les soustraire à ce qu'ils estiment être leur devoir de patriote : être aux côtés du peuple, dans la rue, dans son combat contre un système politique responsable de l'impasse dans laquelle se trouve le pays. La raison de leur engagement et leur soutien indéfectible à la jeunesse en lutte ? La flamme révolutionnaire, qui ne s'est jamais vraiment éteinte chez ces combattants de la liberté et grands opposants devant l'Eternel. Certes, le temps a fait son œuvre sur leur corps fatigué, mais leur propension à aller au charbon et à y mettre du leur et leur foi en leur peuple n'ont pas pris une ride. En outre, ils ont vu dans la "révolution du sourire" une sorte de prolongement du combat libérateur d'hier auquel ils avaient pris part mais qui, pour eux et pour beaucoup d'Algériens, n'a pas abouti à une véritable libération du pays. Aussi, ils n'ont pas hésité à descendre dans la rue, comme bon nombre de leurs concitoyens, et mettre leur aura révolutionnaire au service du Hirak dans l'espoir de contribuer à l'aboutissement de ses revendications, mais aussi à donner enfin corps au rêve d'une Algérie libre et démocratique. Au vrai, ils ont vu dans le Hirak une sorte de résurrection d'une Algérie abîmée après plusieurs décades de pouvoir autoritaire. Pour eux donc, le Hirak est un miracle algérien réalisé par une jeunesse assez outillée intellectuellement et libérée des fantômes du passé, qui remettra, enfin, le pays sur les bons rails, en le projetant dans la modernité politique. Dans un appel lancé à la jeunesse algérienne le 12 mars 2019 et intitulé "Ne les laissez pas vous voler votre victoire", l'icône de la révolution Djamila Bouhired avait écrit : "Je voudrais vous dire toute ma gratitude pour m'avoir permis de vivre la résurrection de l'Algérie combattante, que d'aucuns avaient enterrée trop vite." "Je voudrais vous dire toute ma joie et toute ma fierté de vous voir reprendre le flambeau de vos aînés. Ils ont libéré l'Algérie de la domination coloniale. Vous êtes en train de rendre aux Algériens leur liberté et leur fierté spoliées depuis l'indépendance", avait-elle ajouté. Malheureusement, cet engagement sincère aux côtés des jeunes n'a pas été sans conséquence : Djamila Bouhired a été apostrophée, mi-avril, lors d'une manifestation des étudiants, par un policier qui avait tenté de la chasser. Lakhdar Bouregâa, lui, en a payé un lourd tribut en passant cinq mois en prison. À sa libération, début janvier de l'année en cours, affaibli mais loin d'être broyé par la prison, il a émis le vœu de voir le Hirak "se poursuive avec le même pacifisme, dans le calme et la solidarité". "Nous plaçons de grandes espérances dans la jeunesse algérienne et sa révolution qui a émerveillé le monde ; c'est l'unique exemplaire d'une révolution populaire, c'est une révolution de la jeunesse", a-t-il dit dans un entretien avec le journaliste Mahrez Rabia. Et les jeunes Algériens le lui rendent bien, à lui comme à Djamila Bouhired et à Louisette Ighilahriz, en les mettant sur un piédestal. Tout comme les grands noms de la révolution algérienne (Abane, Amirouche, Benboulaïd, Benkhedda, Ben M'hidi, Boudiaf, etc.), qui ont été honorés par les foules qui ont souvent scandé leurs noms et arboré leurs portraits. Une façon pour la jeunesse d'aujourd'hui de revendiquer sa filiation avec les artisans de Novembre et de la Soummam.