Khaled Drareni, Samir Belarbi et Elyas Hamitouche ont été reconduits au commissariat sans être présentés devant le parquet. Une deuxième accusation a été ajoutée au dossier de Toufik Hassani. Le parquet du tribunal de Sidi M'hamed a décidé, hier, de renvoyer le journaliste Khaled Drareni et les activistes Samir Belarbi et Elyas Hamitouche au commissariat sans les entendre. Le policier démissionnaire Toufik Hassani a été, quant à lui, présenté devant le procureur de la même juridiction qui lui a annoncé le rajout d'une deuxième accusation à son dossier : incitation à la violence contre des agents de l'ordre. Lui aussi est maintenu en garde à vue jusqu'à demain. Les avocats se sont enquis auprès du procureur général sur les raisons qui justifient cette mesure exceptionnelle. Il leur a expliqué que les rapports des expertises sur le contenu des téléphones portables des quatre prévenus ne sont pas encore prêts. "Les dossiers sont vides. On cherche visiblement à leur trouver quelque chose pour les inculper", a commenté Me Yamina Allili, au sortir du Palais de justice. Elle a précisé qu'au regard de l'accusation retenue jusqu'alors, soit incitation à attroupement non armé, la garde à vue peut être prolongée jusqu'à douze jours pour manque d'éléments et complément d'enquête, en justifiant chaque prolongation d'une durée de 48 heures. Elle a ajouté que dans toutes les affaires des détenus d'opinion, il y a toujours eu des violations des procédures et des accusations montées de toutes pièces. "C'est au parquet de décider quelle procédure suivre, c'est-à-dire la citation directe ou l'instruction. Si l'on agit de cette manière, à savoir prolonger la garde à vue à la recherche de preuves potentielles, ça va aller vers l'instruction et, probablement, un mandat de dépôt", a regretté Me Zoubida Assoul. "Une telle démarche crée un climat de tension au sein de la population et surtout des journalistes. La place de Khaled Drareni n'est pas devant un juge du moment que la Constitution garantit la liberté de la presse. Il est anormal qu'on revive des épisodes comme ceux de 2018", a-t-elle ajouté. Me Abdelghani Badi est très inquiet quant à l'issue de la présentation de Khaled Drareni, de Samir Belarbi, d'Elyas Hamitouche et de Toufik Hassani devant le procureur : "Je ne suis pas optimiste. Il y a véritablement une intention de leur coller des accusations qui les mèneraient en prison." Pour Noureddine Benissad, l'accusation ne tient pas la route. "Des millions de citoyens manifestent chaque semaine. Personne n'incite personne à sortir dans la rue", a-t-il estimé, jugeant les motivations de cette prolongation de la garde à vue infondées. El-Kadi Ihsane, journaliste, s'est dit préoccupé "par la déliquescence de l'Etat. C'est carrément du chantage sur un journaliste dans l'exercice de son métier. On veut accéder à son outil de travail, qui est son téléphone. Khaled Drareni va continuer de refuser de le déverrouiller. Le métier de journaliste est un territoire sacré". Me Badi a soutenu que la perquisition d'un équipement électronique sur ordonnance du parquet est prévue par le code pénal. Des dizaines de journalistes ont observé, hier, un rassemblement devant le tribunal de Sidi M'hamed en soutien à leur confrère. "Khaled Drareni est un journaliste libre" ; "Libérez Drareni", "Justice libre, presse indépendante", ont-ils scandé pendant des heures. Une pétition intitulée "Non à la prise d'otage du journaliste Khaled Drareni" a également été lancée hier.