C'était avant-hier tard dans la soirée que le juge de la Cour d'appel d'Alger a décidé de boucler les plaidoiries de la défense dans le procès en appel des affaires jumelées de l'automobile et du financement occulte de la campagne électorale pour le 5e mandat de Bouteflika, impliquant les deux anciens Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, des hommes d'affaires et des fonctionnaires. Ainsi, près d'une centaine d'avocats ont tenté, durant 4 jours, de déconstruire les accusations portées contre une trentaine de prévenus, poursuivis pour octroi d'indus avantages, corruption, influence et mauvaise utilisation de la fonction. Une partie d'entre eux est également poursuivie pour financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat avorté de Bouteflika. Après la fin des plaidoiries et l'intervention du procureur général et des accusés, le juge a décidé de mettre en délibéré le verdict pour le 25 mars prochain. Lors des plaidoiries des deux ex-Premiers ministres, les avocats n'ont pas manqué d'aborder "la face cachée" du système Bouteflika. Me Amine Sidhoum a estimé que "ceux qui sont actuellement dans le box des accusés n'étaient en réalité que la face visible et la façade d'un système dont les vrais décideurs étaient dans l'ombre". L'avocat qui a été constitué par Abdelmalek Sellal a ajouté que "le pays était géré par un groupe de 5 personnes que tout le monde connaît". "Ce G5 se réunissait sur les hauteurs d'Alger et décidait de tout", a-t-il encore dit, considérant que le seul à avoir profité de la maladie du Président déchu "était connu", dans une allusion à Saïd Bouteflika. Abordant le mouvement populaire, Me Sidhoum a estimé qu'il est "animé par des citoyens lambda" qui veulent "en finir avec le système". Concernant les accusés dans l'affaire, il a souligné qu'ils sont "victimes de règlements de comptes entre clans au sein du système". "En février 2017, Sellal a demandé de geler toutes les décisions d'octroi d'autorisation de montage de voitures, mais Bouchouareb a refusé, car il faisait partie du G5 qui l'a désigné ministre de l'Industrie." Abordant la composante du Conseil national de l'investissement (CNI), Me Amine Sidhoum a rappelé qu'il est composé de représentants de plusieurs départements ministériels, dont le vice-ministre de la Défense. "Il faut dans ce cas le convoquer", a dit l'avocat, mettant en avant le caractère "politique" de l'affaire. Prenant le relais, Me Mourad Khader a estimé que le tribunal qui a jugé les deux ex-Premiers ministres "est incompétent". Sur un autre volet, il a souligné que les deux ex-responsables "ont travaillé selon un plan d'action et le programme d'un gouvernement voté par les deux Chambres du Parlement", dénonçant le fait que c'est le ministère de la Justice qui a porté plainte, alors que ce département "fait partie de l'Exécutif". "On a fabriqué un dossier pour en cacher d'autres", a ajouté l'avocat. Pour leur part, les avocats d'Ahmed Ouyahia se sont attaqués au procureur général qui a qualifié, dans son réquisitoire, les agissements des accusés de haute trahison. "Cette accusation est punie par la peine de mort", ont-ils rappelé, appelant le juge à déclarer son incompétence et à renvoyer le dossier pour l'instruction. Me Laïfa Ouyahia, frère et avocat de l'ex-Premier ministre, a rappelé également que "celui qui nous qualifiait d'el-îssaba faisait partie du CNI, et c'est justement ce même CNI qui décidait des avantages à accorder aux investisseurs", précisant que le département du défunt Ahmed Gaïd Salah "est représenté dans le CNI". Il a rappelé que le chef de l'Etat "était absent pour cause de maladie et il avait délégué ses pouvoirs au Premier ministre qui n'avait fait qu'appliquer le programme du Président". Concernant "l'échec" de l'industrie automobile, Me Ouyahia a accusé "des forces extérieures" d'être derrière "la cabale" qui vise "les deux ex-Premiers ministres" dans le but "de garder leurs intérêts". Me Ouyahia en a voulu pour preuve "la reprise des importations des véhicules de moins de 3 ans". Me Fetnassi, constitué également pour le compte d'Ouyahia, a estimé que son mandant a été ciblé "par une violente campagne de dénigrement depuis sa démission du gouvernement". "Cette campagne a été menée par le porte-parole du RND et elle était le prélude qui l'a mené aujourd'hui devant vous M. le juge." À la fin des plaidoiries, le procureur général a pris la parole dans l'objectif de répondre aux multiples avocats qui s'en sont pris à lui. Devant l'insistance du procureur à "donner" ses preuves sur la culpabilité des accusés, le juge a donné la parole aux prévenus qui ont tous demandé l'acquittement. Il faut rappeler que le procureur général a requis une peine de 20 ans de réclusion criminelle contre les deux ex-Premiers ministres. Une peine de 10 ans de prison ferme à l'encontre d'Abdelghani Zaâlane et à l'encontre de Nouria Amina Zerhouni. La même peine a été requise à l'encontre des hommes d'affaires Mohamed Baïri, Ahmed Mazouz, Ali Haddad et Malik Hadj-Saïd. Une peine de 8 ans de prison ferme a été également requise à l'encontre d'Aboud Achour, de Hassane Arbaoui et de Farès Sellal, de Hassiba Mokraoui et Tira Amine. Il a également requis 5 ans de prison à l'encontre du trésorier de la campagne électorale de Bouteflika, Chaïd Hamoud, et 3 ans pour les frères Semmaï.