La pandémie du coronavirus, comme par un effet papillon, fait peser sur l'Algérie un risque de crise financière aggravée, la menace d'un sévère contre-choc sur les prix du pétrole étant désormais fortement redoutée. En effet, si l'ultime espoir d'enrayer la chute actuelle des prix du brut reste suspendu aux décisions de réduction de la production que pourront prendre ce week-end l'Opep et ses alliés, il n'en demeure pas moins qu'un tel effort d'ajustement de l'offre risque de vite s'avérer inefficient si la propagation du coronavirus et ses effets sur l'économie mondiale viennent à s'installer dans la durée. Plus que plausible aujourd'hui, cet angoissant scénario précipiterait une nouvelle crise financière et de trésorerie pour l'économie nationale, le budget de l'Etat étant déjà très loin de l'équilibre avec un baril à 60 dollars, tandis que la marge offerte par les réserves officielles de changes devient de plus en plus serrée. Pour l'année en cours, faut-il en effet rappeler, le budget construit à travers la loi de finances en vigueur retient comme base de calcul un prix de référence du baril de pétrole à 50 dollars et une prévision d'un cours moyen réel du marché à 60 dollars. Avec une telle hypothèse de cours pétroliers retenue pour l'ensemble de l'année, le niveau du déficit budgétaire autorisé caracole déjà à plus de 7% du produit intérieur brut (PIB), soit 1 533,4 milliards de dinars, alors que celui du Trésor s'établit à plus de 2 435 milliards de dinars, soit 11,4% du PIB. Aussi, si la chute actuelle des cours pétroliers perdure — ce qui n'est pas improbable en raison de l'aggravation du ralentissement économique mondial — il va sans dire que les déficits des finances publiques risquent d'atteindre des niveaux autrement plus alarmants et que l'épargne du pays en devises disparaîtrait encore bien plus vite que prévu. Dès lors, la crainte est que, faute de substituts ou de compléments aux revenus du pétrole, le gouvernement risque de finir par vite se retrouver dans un épisode de crise de trésorerie semblable à celui vécu en 2017, où le financement non conventionnel avait été décrété comme incontournable pour honorer les engagements financiers de l'Etat. Il resterait alors à l'Exécutif, comme seules options: celle à hauts risques d'hyper-inflation qui constituerait à réactiver indispensablement la planche à billets, où celle encore plus périlleuse dans le contexte politique actuel et qui passerait tout simplement par des coupes drastiques dans la dépense publique et une politique d'austérité à la fois sévère et brutale. Quoi qu'il en soit, à moins d'une stabilisation rapide des marchés pétroliers à des niveaux de prix de 60 à 65 dollars, le recours à une loi de finances rectificative ou complémentaire devra sans doute intervenir en toute urgence et la marge de manœuvre du président de la République pour concrétiser les promesses de son programme sera à coup sûr définitivement restreinte. Sauf bien sûr à opter pour des recours risqués et inconsidérés à des endettements extérieurs.