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"Nous avons encore une vision très normative de la création théâtrale"
Mohamed Charchal, dramaturge
Publié dans Liberté le 04 - 04 - 2020

Récipiendaire en janvier dernier du prix du meilleur spectacle arabe en Jordanie, le dramaturge revient dans cette interview sur sa pièce "GPS", une œuvre qui se distingue par l'absence de dialogues, la situation de cet art en Algérie et la politique culturelle propagandiste dictée par les responsables.
Liberté : Votre dernier spectacle GPS a été auréolé du prix du meilleur spectacle arabe en janvier dernier en Jordanie. Que représentent pour vous cette distinction et la reconnaissance à l'échelle régionale du théâtre algérien ?
Mohamed Charchal : Le prix du meilleur spectacle arabe de l'année 2019 représente pour moi une reconnaissance arabe de ma modeste expérience et apport au théâtre arabe. C'est une confirmation que je suis sur la bonne voie de la création. D'un autre côté, c'est une sorte de reconsidération du théâtre algérien. On sait tous que depuis la décennie noire le théâtre algérien a beaucoup régressé sur le plan des participations régionales et internationales, surtout lorsqu'on sait que le théâtre algérien, historiquement parlant, a toujours été d'un excellent niveau. Je ne prétends pas avoir été le premier à avoir décroché ce prix pour l'Algérie. Avec toute modestie, je dirais que mon équipe et moi avons rendu à César ce qui appartient à César, dans le même sillage que les efforts fournis avant nous par les Abdelkader Alloula, Azzedine Medjoubi, Sonia, Omar Fatmouche et bien d'autres. Cette distinction est aussi une lourde responsabilité par rapport à mes projets pour l'avenir. J'ambitionne de participer dans des festivals internationaux, parce que GPS est avant tout un langage universel et humain.
Pourquoi, selon vous, le théâtre algérien s'appuie-t-il grandement sur le langage verbal au détriment d'autres moyens d'expression ? Est-ce une solution de facilité ? D'infantilisation du spectateur ? Ou, au contraire, une manière de se rapprocher de lui ?
Oui, selon moi, opter directement pour un texte et en faire le centre de la création est une solution de facilité. On est devant de faux metteurs en scène et créateurs, de faux dramaturges qui écrivent des pages et des pages de parlotte. On est malheureusement tombé dans la facilité. On assiste à l'arrivée de gens qui n'ont rien à voir avec le théâtre. On n'est pas devant des porteurs de projets. Je ne suis pas contre le texte ou les spectacles qui se basent sur de vrais textes, je ne peux pas être contre ce qu'ont fait Shakespeare, Molière, Racine, Pirandello, Ionesco, Sophocle, Beckett, De Filippo et tant d'autres. Les meilleures pièces dans l'histoire du théâtre universel comportent des textes. Je ne peux pas dire que c'est telle ou telle forme que le théâtre doit prendre. Je suis simplement contre le bavardage et la parlotte sur scène, je ne suis pas contre un texte bien construit, esthétiquement plaisant. Et c'est malheureusement ce qui se passe dans la plupart des pièces aujourd'hui. Notre conception de cet art est complètement fausse. Le théâtre, c'est l'action, le texte n'est qu'un élément minime du discours théâtral. Je voulais prouver que le théâtre est action, et de là m'est venue l'idée de le faire mais sans dialogue. J'ai commencé l'expérience au théâtre régional de Skikda avec Ma Bqat Hadra. Je ne voulais pas aller directement vers l'action, alors j'ai construit deux actes, le premier avec des dialogues et le second muet. Je guettais la réaction du public pour voir s'il pouvait accepter ce genre-là. Les Méditerranéens en général ont une culture orale. Mais, malgré cela, j'ai constaté que les gens s'étaient beaucoup amusés avec Ma Bqat Hadra. J'ai poursuivi cette expérience avec GPS, en étant plus catégorique et en supprimant tout simplement le dialogue. Je ne prétends pas avoir inventé ce genre, il existe en Europe de l'Est, aux USA, en Russie, il a existé au cinéma avec Charlie Chaplin, mais chez nous ça reste quelque chose de nouveau. Dans la politique, on s'en est débarrassé avec le parti unique, mais dans le théâtre pas encore. On a encore cette vision très normative, et celui qui s'en éloigne est mal vu.
Trouvez-vous qu'on étouffe trop les comédiens avec un surplus de directions qui finissent par amoindrir leur réel potentiel ?
Il s'agit là du choix des metteurs en scène. Il y a des metteurs en scène qui deviennent des dictateurs avec les comédiens. Pour eux, ces derniers ne sont que des marionnettes qu'ils dirigent avec des détails précis. Ils les privent, selon moi, de leur sensibilité et de leur intelligence. On est finalement dans l'objectification du comédien. Il devient objet, accessoire, sans âme... Je suis contre ces pratiques. Je respecte beaucoup l'acteur et je le considère comme l'âme de la représentation théâtrale. On peut imaginer une pièce sans décor, sans musique, sans texte, mais on ne peut jamais concevoir un spectacle sans comédien. C'est le premier partenaire du metteur en scène. Il est le centre de la création. Il est doté d'intelligence et de sensibilité qu'il ne faut sous aucun prétexte tuer. Le théâtre est avant tout un art collectif. Chacun des artistes travaille l'idée avec son langage spécifique pour aboutir à ce qu'on appelle l'unité organique. Le metteur en scène n'est là finalement que pour orchestrer et finaliser cela. En partant de ce principe, je n'ai aucun complexe à donner à l'acteur son espace de création. Dans GPS, on a travaillé dans un laboratoire de création. J'ai écrit l'histoire d'abord sur un canevas, j'ai donné le texte aux acteurs le premier jour et leur ai donné une seule instruction : ne respectez pas ce canevas, mais proposez des idées. Le résultat a été que les comédiens étaient vraiment motivés et voulaient donner le meilleur d'eux-mêmes. On s'était mis d'accord sur les scènes et les tableaux, et j'écrivais le texte au fur et à mesure. Et, croyez-moi, le texte écrit à la fin des répétitions ne ressemble à aucun moment au premier canevas, car il était plus beau, plus consistant. Le texte s'écrit après et non pas avant, parce que pendant le processus de création ce sont les comédiens, porteurs de l'action, qui construisent et orientent l'œuvre.
Se voulant moderniste, votre pièce présente néanmoins quelques éléments qui rappellent la vieille tradition théâtrale, avec ses masques, ses costumes, même quelques passages d'opéra…
Je ne prétends pas être moderniste. Je fais mon métier tout en véhiculant une certaine vision du monde. L'utilisation de masques, de costumes ou de décor ne veut pas dire qu'on revient à des méthodes anciennes. C'est un élément dramatique qui a une signification et une métaphore qui doivent être saisies. Est-ce que l'utilisation du masque est gratuite, utile ou pas ? Là est la question. Le théâtre a plus de 3000 ans d'existence, toutes les nouvelles expériences théâtrales se basent sur ce qui a été déjà fait avant. Je ne vois pas où est le mal dans l'utilisation de costumes, de masques ou des méthodes anciennes. Le théâtre justement est un art qui refuse d'être mis dans une case. Dans GPS, on a utilisé du chant d'opéra. Parce que j'ai éliminé l'action verbale, j'étais à la quête d'un autre langage compris universellement. Le théâtre est le père des arts, il véhicule tous les arts, y compris la musique. Mais la musique dépasse le théâtre de par son universalité. Le théâtre et la langue qu'il utilise ne le sont pas. Si ma pièce est en dialecte algérien, elle ne sera pas comprise dans d'autres pays. J'ai constaté que la langue empêchait l'universalité.
Trouvez-vous que l'absurde est aujourd'hui le meilleur moyen de faire passer votre message ?
Je trouve que l'absurde, qui est un choix déjà, est le seul moyen qui me permet de proposer un théâtre de fiction, un peu mystérieux, qui ne ressemble pas au réel mais en est finalement très proche dans sa vérité esthétique. Parce que l'absurde nous met face à une vérité qui est choquante pour l'humanité ; on vit pour mourir, se nuire… rien ne change finalement, comme le mythe de Sisyphe chez Camus qui existe toujours. La pierre ne cesse de retomber, refaire encore et encore le mouvement absurde. L'absurde est toujours utile, surtout celui de Ionesco, parce que son absurde est différent de celui de Beckett, Camus ou Sartre. Ionesco propose ce monde magique, où les personnages se transforment en rhinocéros, marchent sur l'eau... Le souhait du public est de voir un beau mensonge en lequel il veut croire. Mes deux pièces vont dans ce sens, et je crois que c'est à cela que le spectateur a adhéré.
Vous dites que le théâtre algérien et la morosité qu'il vit ne sont pas le fait du hasard, un contrôle du 4e art s'opère en Algérie… Pouvez-vous développer ce point ?
L'absence d'une vraie politique culturelle nuit à la pratique théâtrale et des autres arts. On n'est pas vraiment dans l'acte théâtral en Algérie, mais dans l'animation. Cette pratique est suffisante pour que les responsables disent qu'il existe un vrai théâtre. Sans parler du théâtre amateur, qui est censé être libre. Aussi, chez nous, on peut trouver des pièces de professionnels de qualité médiocre, et des pièces d'amateurs d'une rare qualité. Il faut savoir que les théâtres régionaux ont été ouverts par pur populisme. Sous l'ère Khalida Toumi, chaque wilaya avait son théâtre. Mais c'est un mensonge, car à part les théâtres de Djelfa et de Mostaganem, les autres sont en vérité des théâtres communaux, avec quelque 200 ou 300 places, des équipes de jeunes amateurs sans formation, avec également le statut de professionnel. Au lieu d'investir dans l'homme, on a investi dans les murs. On a construit des théâtres oui, mais on n'a pas pensé au genre d'artistes qu'on devait former.
On a choisi au lieu de cela de faire de la propagande, en ouvrant ce genre d'infrastructures, et c'est un gros mensonge à mon avis. Il faut savoir aussi que ces théâtres sont minés par la corruption, la mauvaise gestion, les commissions de lecture fantoches qui font passer des textes d'amis. Puis il y a les structures de formation, qui sont handicapées, selon moi.
L'actuel Ismas à Bordj El-Kiffan, qui s'appelait INADC, et avant ça INAD, avait formé la crème de nos artistes, comme Sonia, Azzeddine Medjoubi, Fellag, Dalila Helilou. Il est actuellement sous la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et forme des jeunes avec bac, même s'ils n'ont pas de vocation.
Un futur projet, théâtral ou autre, en vue ?
Je vais continuer mon expérience avec Fantasia, une autre pièce qui formera une trilogie avec Ma Bqat Hadra et GPS. Ce sera un spectacle qui résumera toute mon expérience dans ce sens. Ce sera un théâtre sans langage verbal, mais j'userai d'autres techniques et emprunterai d'autres arts, que je préfère garder secrets pour le moment. Je promets enfin au public d'être à la hauteur de ses attentes en lui proposant des œuvres encore plus ambitieuses.
Entretien réalisé par : Yasmine Azzouz


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