Les situations épidémiologiques communiquées chaque jour par les autorités sanitaires montrent que l'épidémie continue à frapper les wilayas les unes après les autres, même de manière différente, au point de croire que de nouveaux foyers locaux de transmission sont en train de se multiplier. Plus d'un mois après l'apparition du premier porteur du coronavirus, une lecture épidémiologique des trajectoires de l'épidémie s'impose aujourd'hui pour comprendre ce que disent les courbes enregistrées jusque-là. Où en est l'épidémie dans le pays ? L'Algérie est-elle proche du pic ? Pr Abdelouahab Bengounia, spécialiste en épidémiologie et médecine préventive, a averti hier que le pic de contamination n'est pas encore atteint en Algérie. "Je ne dispose pas des courbes de contaminations. Cependant, les chiffres en dents de scie qu'annonçait quotidiennement le ministère de la Santé en dehors du dépistage actif sérieux sont loin de constituer une base de données fiable. Mais vu l'extension géographique officielle déclarée jusqu'à vendredi 3 avril, le coronavirus se trouve désormais dans 42 wilayas, soit les 7/8 des wilayas. Il faut souligner à ce titre que le Covid-19 est en phase de propagation. Il est en train de gagner rapidement du terrain. Il faut s'attendre alors à une augmentation exponentielle du nombre de cas dans les jours à venir", dira Pr Bengounia. En guise de solution possible pour ralentir cette pandémie, notre interlocuteur ne manquera pas d'insister sur l'importance de l'extension des mesures de confinement à d'autres régions du pays encore indemnes : "Les mesures de confinement doivent être appliquées de façon draconienne, même pour les autres wilayas non encore touchées par l'épidémie." Anticipant sur l'éventuelle généralisation du régime d'isolement à d'autres régions du pays, l'épidémiologiste insistera pour rappeler encore : "Il faut penser à assurer à ces wilayas indemnes les éléments sociaux de base, notamment l'approvisionnement en denrées alimentaires. Par la même occasion, il faudra éviter également l'entrée dans ces wilayas indemnes des personnes suspectées d'être porteuses du virus. Et si possible, il faut penser à assurer le dépistage actif de la population." Pour lui, "on a dépassé la crise uniquement sanitaire. On vient plutôt d'entamer la phase socioéconomique de la crise. C'est-à-dire les problèmes socioéconomiques vont commencer à se poser avec acuité. C'est pourquoi il faut assurer l'approvisionnement et la sécurité interne des wilayas", observera Pr Bengounia. Autrement dit, les pouvoirs publics sont appelés à faire encore suffisamment d'anticipation face à cette épidémie pour éviter les situations chaotiques que sont en train de vivre certains pays de la rive sud de la Méditerranée. Pour cela, explique le spécialiste, l'on doit s'inspirer de l'expérience des pays asiatiques, notamment la Corée du Sud qui a réussi à aplatir la courbe de contamination en un temps record, et ce, grâce à la pratique du dépistage à grande échelle et le respect des mesures d'hygiène et la généralisation des gestes barrières.