De jeunes épidémiologistes algériens, connaissant bien le contexte "chacun sur son territoire, dans son bassin de population", formés pour suivre et investiguer sur une épidémie, "sont aujourd'hui en jachère". "L'Etat sous-utilise ses épidémiologistes." Le constat est celui du professeur Abdelaziz Tadjeddine, chef du service épidémiologie et médecine préventive à l'hôpital pédiatrique de Canastel, Oran. Directeur du Laboratoire d'enseignement et de recherche en maladies émergentes et réémergentes (Lermer) à l'Université d'Oran, il n'arrive pas à comprendre "qu'un pays comme l'Algérie, qui a formé des bataillons d'épidémiologistes qui sont même dans des daïras reculées comme Bougtob, Oued R'hiou ou du côté d'Illizi, n'utilise pas pleinement ses ressources qualifiées et compétentes, et qui peuvent aider dans ces moments de difficultés majeures". Pour lui, et évoquant le coronavirus, il souligne qu'"on est face à un défi", alors que de jeunes épidémiologistes algériens, connaissant bien le contexte "chacun sur son territoire, dans son bassin de population", formés pour suivre et investiguer sur une épidémie, "sont aujourd'hui en jachère". Pour le Pr Tadjeddine, le travail de l'épidémiologiste est de procéder au pistage probable et confirmé, "il le teste", et avec la pandémie du coronavirus, "il faut que ce soit dans l'anticipation avant que le cas ne soit très grave et qu'il doive passer à la réanimation". "Si on va vers les contacts directs autour de chaque cas, il faudra une traçabilité avec tous les contacts qu'il a eus pendant les 14 derniers jours et tester toutes les personnes contacts primaires et secondaires (grignotage en grappe de raisin) pour constituer notre data. Ce qui permettra de diminuer considérablement les ‘perdus de vue' qui, dans la majorité des cas, sont des réservoirs actifs du virus, et l'épidémie deviendra hors contrôle", développe-t-il. Il explique que la cartographie épidémiologique "nous permet d'avoir une traçabilité autour de chaque cas dépisté, et c'est maintenant qu'il faut agir tant qu'on est encore au début de l'épidémie". Il préconise aussi que les personnes formées, "et ce sont également des formateurs au niveau de toutes les structures", soient associées à la décision, insistant, par ailleurs, sur leur degré de performance car "ce sont de bons programmateurs, de bons planificateurs, superviseurs et évaluateurs, et c'est de ça qu'on a besoin". Quant aux dispositions mises en place, il indique qu'on est loin des standards de la Corée du Sud "pour tester tout le monde" et "assurer des dépistages à grande échelle" et que les seules ressources dont dispose l'Algérie sont "humaines". Dans une contribution publiée à l'effet de l'atténuation de la transmission et de l'apparition des cas graves, le Pr Tadjeddine écrit que "l'Algérie a formé des bataillons d'épidémiologistes compétents particulièrement impliqués dans le champ de la santé publique", mais "souvent marginalisés par un système qui redoute la qualité". Il ajoute que les épidémiologistes sont présents dans toutes les wilayas et immédiatement mobilisables.