Maître assistant en psychiatrie au CHU de Tizi Ouzou, le Dr Soufiane Zeggane nous livre quelques conseils pratiques pour gérer le confinement afin d'éviter des évolutions pathologiques du stress. Il évoque également l'impact de cette crise sanitaire sur les personnels soignants, qui sont en première ligne face à cette guerre contre la pandémie de coronavirus. Liberté : Le monde traverse une crise sanitaire exceptionnelle, qui n'est pas sans impact psychologique sur les personnes. Quel regard portez-vous sur la situation ? Dr Soufiane Zeggane : Effectivement, nous vivons une situation complètement inconnue et exceptionnelle. La pandémie de Covid-19 a ébranlé toute la planète. Sa propagation est aussi très rapide avec une morbi-mortalité assez importante. Toute nouvelle expérience dans la vie a son corollaire de stress, et la pandémie de Covid-19 a complètement chamboulé la vie sur terre. Elle a entraîné une sensation de vie qui s'arrête. La peur a envahi les esprits. Cette peur est due à plusieurs facteurs, notamment la méconnaissance de cette pandémie, sa durée, l'absence de traitement pour ce virus et la peur d'être contaminé qui constitue une vraie "coronaphobie".
Nous avons observé que dans la majorité des pays touchés par le coronavirus, notamment en Algérie, le confinement reste l'ultime solution, pour le moment, face à la propagation du virus, mais quel est son impact sur notre vécu quotidien ? Le confinement est une mesure salvatrice qui garantit une distanciation sociale maximale pour endiguer la transmission interhumaine du virus. Cependant, cette claustration imposée n'est toujours pas facile à vivre. Elle est émaillée par des sensations d'angoisse, de stress intense, pouvant aller jusqu'à des attaques de panique, des sensations d'impatience et de l'irritabilité. Le vécu du confinement est souvent caractérisé par un repli sur soi, un isolement social, un comportement précautionneux avec l'application stricte des mesures barrière, et chaque écart peut être décrié par un conjoint, un parent ou tout autre personne dans l'entourage. Le sommeil aussi peut être perturbé par les tensions psycahiques liées à la pandémie et au confinement. L'usage des écrans le soir, notamment la connexion aux réseaux sociaux, empêche l'endormissement et impacte la qualité et la quantité du sommeil. Y a-t-il un moyen d'éviter ce repli sur soi ? Pour éviter toutes ces évolutions pathologiques du stress lié à la pandémie et au confinement, il est conseillé de maintenir un rythme de vie le plus proche de l'ordinaire, en respectant l'horaire des repas qui doivent être partagés en couple et en famille. Ce moment doit être davantage privilégié pour entretenir la vie familiale, laquelle était disloquée par les réseaux sociaux. Il faut entretenir une hygiène de vie optimale et prendre soin de son corps et de son esprit, en pratiquant de l'activité physique à domicile et en respectant les heures de sommeil, qui doit être réparateur pour éviter l'épuisement. Il ne faut surtout pas paniquer, ne pas se laisser envahir par des préoccupations hypocondriaques et ne pas relier systématiquement tout symptôme au Covid-19. Il faut aussi maintenir les rapports sociaux via le téléphone et autres supports avec la famille, les amis, les collègues. En cas de nécessité, se faire aider par un médecin, le cas échéant par téléphone ou par visioconférence. Comment encore éviter ces évolutions pathologiques du stress chez les enfants qui vivent cette situation inhabituelle de confinement ? L'Unicef recommande de ne pas hésiter à parler du coronavirus aux enfants, seulement il faut s'en tenir à leurs questions et répondre par un langage qui est le leur en évitant des informations anxiogènes. Leur expliquer que le monde a déjà connu des épidémies qui ont été vaincues. Il faut favoriser les activités ludiques et les occuper aussi par leurs cours et leurs révisions en ces périodes de vacances exceptionnelles, afin de maintenir leur cadence et le suivi de leur scolarité pour éviter des retards ou un désintérêt. À noter que pour les enfants malades, notamment ceux suivis en pédopsychiatrie, les parents doivent aussi veiller sur eux et ne pas hésiter à contacter les médecins traitants via le téléphone ou la visioconférence pour poursuivre leur prise en charge, à plus forte raison si un changement de comportement est remarqué chez eux. Un dernier conseil ? Je souhaite évoquer le cas des personnels hospitaliers. En cette crise sanitaire, les soignants sont en première ligne de front face à cette guerre contre la pandémie de Covid-19. Ils sont obligés de sortir pour travailler dans des conditions qui ne sont pas toujours optimales. La charge de stress est particulièrement élevée chez eux avec, et surtout, un épuisement lié à la charge de travail et de responsabilité. À cet effet, j'estime qu'il faut créer des cellules d'écoute psychologique dans toutes les structures de santé pour les accueillir afin d'éviter les complications liées à un stress particulier, comme la dépression et les troubles anxieux.