À Constantine, le cas du personnel de la polyclinique de H'raïcha-Ammar dans la commune d'Aïn Smara — 16 médecins, infirmiers, aides-soignants se trouvant depuis plus d'une semaine en confinement total à l'hôtel El-Bey — est emblématique des risques qui pèsent sur le corps médical face à la crise sanitaire. Et ce n'est pas un cas isolé puisque des praticiens du CHU Ben-Badis de Constantine ont été contraints au confinement durant 14 jours chez eux après avoir prodigué des gestes médicaux, sans moyens de protection à des malades qui se sont avérés atteints de coronavirus. "C'est une situation exceptionnelle. Nous n'étions pas préparés à une pareille pandémie", a confié le professeur Soufiane Chioukh, chef de service des urgences médicales du CHU Ben-Badis. "Nous étions pris de court, le facteur temps a également joué en notre défaveur", témoigne-t-il. Face aux urgences de sauver les vies humaines, il faut agir. "Le risque est là, et la priorité des priorités actuellement demeure la disponibilité des moyens de protection du personnel médical", assure le professeur Chioukh. Au centre hospitalo-universitaire, les médecins doivent faire avec les moyens du bord. Les moyens de dépistage font également défaut. Une hantise pour les praticiens. L'arrivée des premiers cas contaminés provoque un climat de peur doublé de stress. Même ambiance de panique à Tizi Ouzou. "Chaque nouveau bilan est un coup dur pour le moral du personnel médical qui affronte déjà la situation avec peu de moyens", nous confie un médecin du CHU de Tizi Ouzou. "Entre un lieu de travail devenu à haut risque de contamination, la famille à préserver et un monde extérieur solidaire mais en même temps méfiant, les employés de la santé vivent une des pires épreuves", assure une infirmière du même établissement hospitalier. La peur c'est aussi dans les services comme le raconte une autre infirmière du CHU dans un message posté sur sa page. "Je travaille dans un service où les patients sont immunodéprimés, donc très fragiles alors que nous sommes obligés d'assurer des gardes au service de dépistage du coronavirus et faire face avec peu de moyens", a-t-elle témoigné. Dans certaines structures de santé, le personnel est carrément pris de panique. "Comment ne pas s'affoler lorsque l'on reçoit des cas suspects alors que nous n'avons pas un minimum de moyens", s'alarme un infirmier exerçant au sein de la polyclinique de Tigzirt. À Oran, le quotidien des soignants est extrêmement dur. "Cela fait deux semaines que mes collègues et moi n'avons pas vu nos enfants et nos familles. Nous sommes hébergés dans des hôtels. C'est très difficile à vivre mais nous n'avons pas le choix, nous devons faire face et rester auprès des malades", témoigne un infirmier du service des maladies infectieuses du CHU d'Oran. En première ligne depuis le début de la crise, ce dernier travaille avec les médecins au sein de 4 équipes de 7 paramédicaux chacune, qui se relaient H/24. "Nous sommes confrontés aux risques de manière permanente, mais nous tenons grâce à la solidarité…", se rassure-t-il. Infirmier chevronné, il raconte un quotidien difficile au service infectieux : "L'autre jour, un malade du Covid-19, installé au 2e étage a commencé à avoir des difficultés respiratoires. Comme nous n'avons pas d'ascenseur dans le service, avec quelques collègues, nous l'avons porté à bout de bras sur une chaise roulante pour le descendre." Quelque peu mesuré, un soignant de l'EHU explique que le manque de moyens est mondial et que c'est plus complexe pour l'Algérie parce qu'elle est importatrice. "C'est une question de gestion d'anticipation ou de stocks qui doit être réglée, nous sommes dans une situation très dure où l'on tente d'éteindre le feu". C'est dans cette conjoncture hautement risquée que le corps médical s'emploie à sauver des vies humaines.