Depuis 2007, année du premier pic pétrolier algérien, marqué par le déclin et l'inexorable déplétion due à l'entreprise publique, puis depuis 2014, avec la chute exogène des prix du pétrole, évalués en dollars nominaux ou en dollars réels (hors inflation et hors taux de change), l'Algérie s'est irréversiblement acheminée vers les déficits macroéconomiques majeurs (FRR, balance interne fiscale et budgétaire, balance externe des comptes courants et balances énergétique et environnementale). Tous les clignotants sont au rouge, et notre plus grand ennemi, outre l'ennemi intérieur et le FMI anglo-saxon, réside dans l'incompétence et la non-maîtrise de la variable Temps ; ainsi que la non-gouvernance, notamment l'absence de planification, de coordination et de contrôle. S'agissant des hydrocarbures, outre le déclin en volume, la baisse globale des prix du pétrole est apparue depuis un mois, sous la volonté égoïste d'un autre Etat rentier, visant les parts de marché, la vente partielle de ses actifs pétroliers et la recherche du prix d'équilibre budgétaire (soit 90 dollars/bbl). Contrairement au bon sens, l'Arabie Saoudite a, le 9 mars 2020, fait chuter le prix du pétrole qui passe à 30-35 dollars/bbl pour 2020, contre 72 dollars/bbl en 2018 et 65 dollars/bbl en 2019. Pire, il a élargi la "prime" (ou "réduction") pour baisser les prix. En effet, une lecture des prix pétroliers algériens, ceux du Sahara Blend, montre que depuis le 9 mars 2020, date de la chute volontaire du prix pétrolier standard de l'Arabie Saoudite, l'Algérie ne maîtrise plus ses prix pétroliers. Cette réduction supplémentaire ou prime s'établit à 20% en moyenne par rapport au Brent, alors que les pétroles bruts similaires (légers) et concurrents, tels l'Arabian Light (Arabie Saoudite), Bonny Light (Nigeria), Girasol (Angola), n'enregistrent qu'une baisse de 10%, soit la moitié. Les causes "critiques" Le marché pétrolier est complexe (équilibre offre-demande-stocks, cartel, sphère financière, géoéconomie, etc.). Cependant, une analyse des contraintes critiques du modèle montre que, face à la destruction de la demande mondiale (baisse possible de 20 millions bpj, soit 20%) et l'ampleur de l'offre, les aspects moteurs actuels sont le stockage-transport maritime (navires VLCC, navires moyens Suez, etc.) et les coûts marginaux des producteurs. Ces coûts marginaux expliquent les "primes" accordées par les entreprises pétrolières, nationales ou hors OPEP. Depuis ce 9 mars 2020, le Brent est passé de 34,36 dollars/bbl à 31,9 dollars/bbl le 7 avril 2020, alors qu'il y a un an (9 avril 2019) il était à 70,6 dollars/bbl, et à 68 dollars/bbl au début 2020 (6/1/2020). Comme d'habitude, le prix du Sahara Blend était supérieur à celui du Brent, par exemple 70 dollars/bbl le 6 janvier 2020 ou 70,5 dollars/bbl le 9 avril 2019. Pour le prix du Sahara Blend, l'anomalie apparaît en le comparant aux prix du Brent et du panier des pétroles bruts "équivalents" en termes de densité et de teneurs en soufre. Ce panier est constitué des 3 pétroles bruts proches : Arabian Light (Arabie Saoudite), Bonny Light (Nigeria), Girasol (Angola). Une première analyse de leurs prix avec le Brent et le Sahara Blend montre que : - les prix des 3 bruts équivalents évoluent avec une moyenne comprise entre 26,5 dollars/bbl et 27,33 dollars/bbl, et un écart de 3 dollars/bbl par rapport au prix du Brent ; - le prix du Sahara Blend évolue avec une moyenne de 24 dollars/bbl et une "prime" de 6,4 dollars/bbl, soit 21% par rapport au Brent. Question : pourquoi la "prime algéro-londonienne" est égale au double de la prime de pétroles similaires issus de pays pourtant connus pour la non-gouvernance et les pratiques "illicites" (Angola/Mme Dos Santos, Nigeria, KSA ) ? Cette anomalie d'une telle ampleur ne se justifie plus dans l'Algérie du Hirak ! Elle nous rappelle une anomalie similaire constatée vers 2002, sous Chakib Khelil, et pour laquelle un master d'économie fut consacré en Angleterre. Ce master démontra que la prime ne se justifiait pas. De même, pour la surprime de 10% d'avril 2020, une étude fondée sur des données adéquates (coûts, coûts marginaux, coûts de stockage et de transport, etc.) et l'utilisation de modèle approprié de statistiques descriptives (analyse en composantes principales, ou autre) pourrait identifier les "primes illicites", les circonscrire et éviter leur généralisation. Les conséquences pour 2020 pourraient se chiffrer en plusieurs milliards de dollars et justifieraient de tels travaux statistiques, d'acquisition et de traitement de données. Les conséquences potentielles de ces surprimes En 2018, avec un prix moyen de 72 dollars/bbl, les exportations algériennes totales avaient atteint 41,79 milliards de dollars, dont 38,87 milliards de dollars pour les hydrocarbures, contre 46,33 milliards de dollars d'importations de biens (hors services estimés à 10 milliards de dollars), soit un déficit externe (BCC) de 15 milliards de dollars. En 2019, avec un prix moyen de 65 dollars/bbl, les exportations ont atteint 35,82 milliards de dollars, dont 33,24 milliards de dollars pour les hydrocarbures, contre des importations de biens (hors services) pour 41,93 milliards de dollars. Cependant, les importations de biens et services avaient atteint 52 milliards de dollars, soit un déficit pour la balance des comptes courants égal à -7 milliards de dollars contre -15 milliards de dollars en 2018. Cela étant, et nonobstant le terrible coronavirus, que nous réserve l'avenir à court, moyen et long termes ? À court terme, l'inéluctable baisse de la production pétrolière, soit -4% à -5% par an (Cf. courbe logistique du déclin pétrolier universel), nonobstant les consommations et les surconsommations domestiques, soit une production de pétrole brut (hors condensats) de 0,96 million bbl/j et des exportations de l'ordre de 0,5 million bbl/j. Pour un prix moyen de 40 dollars/bbl pour le Brent, cela donnerait 31 dollars/bbl pour le Sahara Blend, dont 4 dollars/bbl pour la "surprime" inexpliquée et probablement haram ! Sur cette base, les exportations pétrolières pour 2020 seraient estimées à 10,8 milliards de dollars, contre 22,3 milliards de dollars en 2017 et 18,6 milliards de dollars en 2016. Cela étant, et en l'absence de réduction sensible des importations, cette baisse des exportations pétrolières 2020 entraînera un manque à gagner équivalent à 10 ou 12 milliards de dollars, qui viendra s'ajouter au déficit externe habituel de 15 milliards de dollars, d'où un déficit externe total de 25 milliards de dollars pour 2020 et avant mi-2022 des réserves externes inférieures à 3 mois d'importations. Nous ne mentionnerons pas le bilan pour les exportations de gaz naturel. En 1999, le pétrole servait à subventionner le gaz naturel exporté ! Et si en 2020, comme nos estimations le montrent, le GN ne rapporte rien en termes de prix net back ports gaziers algériens ! Et si les hypothèses suivantes s'avéraient vraisemblables : dépendance du FMI à fin 2021-début 2022, fin des exportations pétrolières avant 2025 et fin des exportations gazières avant 2030 ! Trop tard pour l'inacceptable effondrement économique ?