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"Par peur, les malades ne fréquentent plus les hôpitaux"
Mansour Brouri, Professeur en médecine interne
Publié dans Liberté le 13 - 04 - 2020

Le professeur Brouri affirme que beaucoup de patients souffrant de pathologies lourdes ont déserté les hopitaux de crainte d'une contamination par le coronavirus, au point de justifier l'arrêt de l'activité de certains services. Pour rassurer malades et personnel médical, il préconise de "préparer des hôpitaux exclusivement dédiés à la prise en charge des personnes atteintes par le Covid-19, au moins dans un premier temps, dans certaines grandes villes".
Liberté : Dans cette conjoncture focalisée sur la lutte contre la pandémie Covid-19, qu'en est-il de la prise en charge des malades chroniques ?
Pr Mansour Brouri : Ce problème est soulevé par tous les professionels de santé un peu partout dans le monde. En France, on s'est rendu compte que le nombre d'AVC admis dans les centres spécialisés de référence a diminué de 50%. Le même constat est fait pour toutes les urgences graves. Il y a quelques jours, j'ai demandé au Pr Nibouche, chef du service de cardiologie au CHU Parnet, s'il a constaté ces changements dans son service. Eh bien les chiffres qu'il m'a donnés confirment le constat fait par tout le monde: 123 syndromes coronariens aigus en janvier, 116 en février, et 56 seulement en mars. C'est plus de 50% en moins.
Que sont devenus ces malades qu'on ne reçoit plus ?
Il est difficile de penser que brutalement l'incidence de ces graves maladies a diminué de plus de moitié, alors qu'on s'attendrait, au contraire, en situation de stress, comme celle que nous sommes en train de vivre, à une aggravation.
Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs :
- Certains chefs de service, pris de panique, ont réagi en fermant carrément l'accès à leurs services ; d'autres l'ont fait par crainte de contamination des malades habituels, chroniques.
- Les malades eux-mêmes ont décidé, par précaution, de ne plus fréquenter les hôpitaux. On a vu le nombre de malades diminuer très rapidement jusqu'à justifier l'arrêt de l'activité.
Ce sentiment de peur a été aggravé par l'hospitalisation des personnes atteintes par le Covid-19, dans les mêmes services à côté des malades habituels, même si cela s'est fait dans une aile séparée, car il s'agit souvent de malades chroniques qui se savent fragiles et surtout les plus exposés ; surtout qu'on a entendu certains responsables locaux déclarer, dans un premier temps, qu'un lit est réservé à cette infection dans chaque service. D'autres ont parlé de 10 lits réservés dans chaque service, avant qu'on ne crée des unités bien individualisées, mais toujours en intra-service ; ce qui pose toujours problème pour les malades. Pour rassurer tout le monde, malades et personnels soignants, je pense qu'on aurait du préparer des hôpitaux exclusivement dédiés à la prise en charge des personnes atteintes par le Covid-19, au moins dans un premier temps dans certaines grandes villes. Cela est posible, en transférant certaines activités habituelles à d'autres établissements. Ce n'est pas trop tard, au moins pour centraliser les urgences en cas d'aggravation de la situation. D'ailleurs, l'hospitalisation de plusieurs agents de sécurité, contaminés dans un hôpital d'Alger a donné raison à ces personnels paramédicaux, qui ont réagi contre ce type de regroupement à très haut risque décidé par leur chef de service.
Que sont devenus tous ces malades qui ont boudé nos services durant cette période ? Seule une enquête pourra répondre à la question. En attendant, il faudra rassurer les familles et les malades pour qu'ils prennent contact d'abord par téléphone pour demander des rendez-vous dans les différents services où la continuité des soins est et doit être assurée dans tous les cas.
Quelles conséquences pourraient découler de cette situation ?
On peut craindre de voir beaucoup de maladies s'aggraver faute de continuité de soins ou de prise en charge dans les délais. Un cancer nouvellement diagnostiqué ne peut pas attendre 1 à 2 mois pour être opéré. C'est une perte de chance inacceptable. Ce sera le cas pour beaucoup de nos malades chroniques. Il est urgent de sécuriser tout le circuit de prise en charge et de rassurer les malades...
Tout dépendra de la sévérité et du nombre de malades Covid-19 à prendre en charge. Si nous ne sommes pas débordés, la reprise en main peut se faire avec une bonne réorganisation du fonctionnement de nos structures hospitalières, par la bonne séparation des activités Covid-19, en sécurisant les accès à l'une et à l'autre des activités. En veillant à ne pas exposer inutilement tous ceux qui peuvent l'être. Je pense qu'on n'a pas à exposer nos chirurgiens dentistes, ORL, ophtalmologues et chirurgiens toutes spécialités confondues pour des actes qui peuvent être différés, sans caractère d'urgence. On peut se contenter de se limiter pendant 3 à 4 mois à des activités d'urgence avec une bonne information de tout le monde, sans stigmatiser nos professionnels et en offrant tous les moyens de protection et les conditions de sécurité pour tous. Des formations pour se prémunir des risques de contamination doivent être assurées régulièrement pour tous les personnels de santé mais aussi et surtout pour les personnels de soutien comme les agents et les femmes de ménage qui ne sont pas sensibilisés et informés des risques qu'ils encourent et qu'ils font courir à leurs proches au retour au foyer. Nous faisons face à une situation nouvelle et à très haut risque. Tout le monde doit en prendre conscience et être rappelé à l'ordre tout le temps. Des précautions et de nouveaux gestes doivent être adoptés tous les jours, de l'entrée dans le service, pendant toute l'activité et à la sortie. Toutes ces mesures doivent être rappelées à chaque étape.
Devons-nous redouter aussi dans le cadre de cette crise sanitaire mondiale, des problèmes d'approvisionnement en médicaments et consommables au niveau de nos hôpitaux et pharmacies ?
Cela dépendra surtout de la durée de la crise sanitaire. Quelle que soit l'importance des stocks actuellement disponibles, si la crise perdure nous vivrons des moments difficiles. La gouvernance erratique, mafieuse de ces 20 dernières années, plus que les précédentes, ont totalement déstructuré notre système de santé. Beaucoup d'argent a été dépensé mais tout a été tourné vers l'importation pour des raisons que tout le monde connaît. Les médicaments que nous produisons en quantités conséquentes pour certains, depuis quelques années nécessitent néanmoins une matière première importée.
Il est évident que si des pays comme l'Inde ou la Chine sont en crise, nous en subirons les conséquences en matière de disponibilité de médicaments. Il en sera de même pour tous les types de consommables avec une demande toujours plus importante et une offre fortement réduite du fait de l'arrêt de la plupart des usines durant cette période de confinement.
Que pensez-vous de la stratégie adoptée en Algérie pour la lutte contre le coronavirus ?
On peut déplorer peut-être un certain retard à une prise de conscience de la réalité du risque. Mais tous les pays ont vécu cela ; et l'Algérie n'a pas échappé à cette attitude peut-être trop optimiste qui consiste à penser que nous allons être épargnés. C'est humain, d'autant que la situation vécue jusqu'à présent n'est pas aussi catastrophique que certains d'entre nous le prévoyaient.
Ce que l'on peut dire en toute franchise, c'est que l'équipe en charge de la lutte contre le coronavirus fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire face à ce fléau, en associant, en tout cas depuis quelques jours tous ceux qui sont en mesure d'y contribuer. Les algorithmes de diagnostic et thérapeutique en mesure d'être appliqués en n'importe quel point du pays ont été élaborés. Les traitements mis à la disposition des équipes médicales ont été enrichis des dernières nouveautés introduites ailleurs .Nous bénéficions d'un certain recul qui nous permet de faire bénéficier nos malades des meilleures possibilités thérapeutiques. Ainsi nous assistons à la raréfaction des détresses respiratoires aiguës sévères grâce à l'introduction de l'hydroxychloroquine associée à l'azythromycine. C'est le constat fait par toutes les équipes.
Par ailleurs, une meilleure compréhension des mécanismes étiopathogéniques de la maladie nous permet, depuis seulement quelques jours, d'espérer réellement éviter à beaucoup de nos malades, le passage à très haut risque en réanimation. On a, en effet bien individualisé aujourd'hui deux phases dans l'évolution de la maladie.
D'abord, une phase infectieuse virale d'une semaine au cours de laquelle le patient présente tous les symptômes de la grippe comme la fièvre, une fatigue profonde, des céphalées, de la toux, des courbatures, au cours de laquelle les corticoïdes sont formellement contre-indiqués tout comme tous les anti-inflammatoires. Ensuite, une seconde phase, très inflammatoire inconstante, qui commence vers le 7e jour à partir du début des manifestations ou symptômes cliniques, marquée par une dyspnée qui s'aggrave brutalement avec installation d'un syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), apparition de lésions pulmonaires au téléthorax et/ou au scanner, suivi d'un ensemble de manifestations générales, systémiques complexes, sévères qui imposent l'admission en réanimation. Une bonne surveillance pour détecter, au bon moment, le début de cette décompensation brutaleet administrer le traitement adéquat, disponible partout, pendant seulement 4 jours permet d'éviter au malade le passage en réanimation.
Ce traitement consiste en l'administration de 80 mg de methylprednisolone par jour, qui ne doit être prescrit que par le médecin, car ce qui peut sauver le malade lors decette deuxième phase inflammatoire peut le tuer s'il est administré lors de la phase infectieuse.
Quelles sont vos prévisions concernant l'évolution de la pandémie dans notre pays ?
On peut espérer qu'une bonne gouvernance avec une meilleure organisation de nos structures de santé et un suivi rigoureux de toutes les recommandations de nos autorités de santé nous permettront de traverser cette phase douloureuse avec le moins de dégâts possibles.
Interview réalisée par : Nissa Hammadi


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