La majorité sinon toutes les agences voyages (on en compte 3 500) ont baissé rideau depuis le 17 mars à cause de la fermeture de l'espace aérien, mais aussi du fait que les gens ne voyagent plus. Les pertes pour la filière se chiffrent en milliards, avec une mise au chômage technique de plus de 150 000 emplois en hébergement et restauration. Hotels à l'arrêt, restaurants fermés, avions cloués au sol, agences de voyages au chômage technique, etc. Déjà très mal en point avec à peine 300 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2017, le tourisme algérien est frappé de plein fouet par la pandémie de coronavirus, au grand dam des voyagistes qui sont dans un désarroi sans nom. "La pandémie de coronavirus a paralysé le secteur des voyages à 100% avec des annulations de billetterie et des forfaits réservations dans l'outgoing et le coming, surtout pour la destination Sahara", constate, la mort dans l'âme, Mohamed Bourad, consultant en tourisme durable et ancien directeur du tourisme de la wilaya d'Adrar. Toutes les filières (tourisme urbain, d'affaires, thermalisme saharien…) sont touchées. "Le taux d'occupation a atteint 0% occasionnant des pertes de chiffres d'affaires en milliards avec une mise au chômage technique de plus de 150 000 emplois en hébergement et restauration", déplore-t-il encore. Amoureux du désert, M. Bourad estime que la destination Sahara (M'zab, Gourara, Tassili et Hoggar) a subi un véritable "coup de grâce" durant les mois de février, mars et avril en enregistrant "des pertes sèches dans l'outgoing". Et à M. Bourad de préciser : "Des pertes d'emplois estimées à des milliers de guides chameliers, de transporteurs, de cuisiniers, de restaurateurs, etc., sans pour autant oublier l'impact indirect sur les fournisseurs de denrées alimentaires (légumes, fruits, etc.), les bouchers, les mécaniciens, les artisans (...)." Cette activité touristique en berne n'a pas manqué de déteindre sur les agences de voyages, qui ont été frappées de plein fouet. "La situation est vraiment critique. C'est zéro travail. Billetterie, séjours, tout est à l'arrêt", se plaint Hamza Baba Aïssa, directeur de l'agence de voyages Gouraya Tours, basée à Béjaïa. Selon lui, la majorité sinon toutes les agences voyages (on en compte 3 500) ont baissé rideau depuis le 17 mars à cause, dit-il, de "la fermeture de l'espace aérien", mais aussi du fait que "les gens ne voyagent plus". "Le monde du voyage souffre. Je ne vous cache pas que je suis très inquiet pour l'avenir de mes employés ainsi que pour mon activité. Personne n'a d'idée claire sur le moment de la reprise de l'activité et si cette dernière reprendrait progressivement ou au contraire massivement", s'est alarmé Mustapha Bendali, responsable de la plateforme Nreservi.com. "Le crash sera violent", prédit un patron d'une agence de voyages de Tlemcen, estimant que "le ménage au sein de la profession est inéluctable", sauf que ce grand ménage a déjà commencé et nombre d'agences de voyages n'ont pas pu résister à la bourrasque, en mettant d'ores et déjà la clé sous le paillasson. M. Bendali évoque le chiffre de 35 agences ayant fermé, non sans préciser que "cela ne va pas s'arrêter à ce nombre". Pour M. Bourad, les 2/3 des agences de voyages sont "en faillite" et certaines d'entre elles "ont mis leur personnel au chômage technique", alors que d'autres "se sont reconverties dans le télétravail pour garder le contact avec la clientèle". Selon lui, les agences les plus touchées sont celles versées dans la omra (tourisme religieux) dont le marché représente 600 000 pèlerins. "Sur la base d'un forfait tout compris, c'est l'équivalent de 72 milliards de dinars de manque à gagner", déplore M. Bourad. Les agences activant dans l'outgoing, notamment sur les destinations Tunisie, Maroc, Egypte et Turquie, ont été, elles aussi, mises à dure épreuve. "Les entreprises de voyages ont commencé à baisser rideau dès le 1er mars pour celles versées essentiellement dans la omra. Ont suivi dès le 15 mars celles faisant essentiellement dans la billetterie et les voyages organisés hors omra. Au 18 mars, alors que le chiffre d'affaires dès la fin février était quasi nul, toutes les agences de voyages avaient baissé rideau car leur raison d'être, soit le voyage, est devenue une menace à la santé publique et à la sécurité nationale", constate Mourad Kezzar, consultant-formateur en tourisme, dans une contribution intitulée "Le SOS des agences de voyages algériennes : Piste de traitement de la crise", avant d'ajouter : "Le secteur des voyages était déjà à l'arrêt en pleine moyenne saison et à l'entame de la haute saison." Pour lui, "les comptes financiers de toutes les agences de voyages sont lourdement déséquilibrés et leur trésorerie est à sec" et, du coup, "ne versent plus de salaires à leurs employés". Face à un tel sinistre, le gouvernement n'a pas pris de mesures fortes pour venir en aide aux voyagistes, sauf celle de reporter le dépôt des déclarations fiscales et le paiement des taxes. "C'est insuffisant", estime le propriétaire de l'agence Gouraya Tours, qui parle d'"une promesse non officielle de verser une aide financière aux agences pour faire face à la crise".