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Le Covid-19 fait tousser les petites entreprises
Evènementiel, manifestations économiques, tourisme et voyages
Publié dans Liberté le 15 - 03 - 2020

Des entreprises activant dans l'évènementiel, l'organisation des foires et des salons, dans le tourisme et l'hôtellerie risquent de mettre la clef sous le paillasson.
La propagation de Covid-19 et les mesures préventives prises par certains pays pour lutter contre cette pandémie ont eu pour conséquence le report, voire l'annulation de nombreux salons et autres manifestations en Algérie. Outre les usines de production qui ont toutes les difficultés du monde pour se procurer les matières premières entrant dans la fabrication de leurs produits ainsi que les pièces de rechange pour leurs machines, les agences de voyages et de tourisme, les hôtels, les sociétés de communication et les organisateurs d'événements et autres rencontres dans les différents domaines ont fait les frais de cette mesure restrictive décidée par plusieurs pays interdisant les déplacements de leurs citoyens en dehors de leur territoire et la décision prise localement par les pouvoirs publics qui suspendent la tenue de telles rencontres.
C'est le cas de l'agence de communication Pi Relations, qui a vu tous les événements qu'elle devait organiser pour cette période annulés sur décision de la Safex (Société algérienne des foires et de l'exportation). "Rien que pour la semaine qui vient de s'écouler, nous avons enregistré l'annulation de cinq événements majeurs à cause de cette épidémie", fait constater Leila Akli, directrice générale de l'agence Pi Relations. Elle cite d'emblée quelques exemples, dont Djazagro (salon international de l'industrie agroalimentaire en Algérie), le Napec 2020 (North Africa petroleum exhibition and conference, salon international des fournisseurs des équipements pour les hydrocarbures), et la commande reçue de la part d'une grande multinationale qui a prévu un événement pour le lancement d'un produit, etc. "Ce sont des événements sur lesquels nous avons d'ores et déjà commencé à travailler et investi. Nous avons mis en place des stands.
Nous avons cumulé des heures de travail sur toutes ces manifestations. Aujourd'hui, ces événements sont annulés à cause de cette pandémie", souligne Mme Akli. L'impact de ce qui est considéré comme un chamboulement de tout le programme sur ces sociétés organisatrices est pénible. En tous cas, les gérants de ces "boîtes" accusent vraiment le coup après l'annonce de la suspension de tous ces rendez-vous. "De par le travail que nous avons déjà effectué sur le terrain avec les personnes recrutées, nous devons à ces dernières des rémunérations. Nous avons même tourné des films de présentation de ces événements... Ce sont autant de pertes sèches, puisque nous n'avons pas livré in fine les événements en question", déplore la première responsable de Pi Relations. La Safex parle d'un report de tous les salons prévus en cette période pour le mois de juin prochain.
Mais serait-il possible de programmer, de nouveau, la totalité de ces rendez-vous suspendus avant l'arrivée de la saison estivale et les départs en vacances ? Impossible de les placer dans le planning, étant donné la longue liste des manifestations arrêtées pendant les mois de mars et d'avril. "Ça m'étonnerait que nos cinq manifestations soient reportées pour le mois de juin prochain. Car ça sera le début de l'été, et la saison estivale reste une période creuse dans notre pays", explique Leila Akli, qui estime que la reprogrammation se fera au mois d'octobre prochain.
Des pertes sèches pour les organisateurs
Et là encore, argue-t-elle, il n'est pas évident de prévoir tous les salons cumulés durant un seul trimestre. Toutes ces retombées illustrent ainsi, de manière claire, la grande confusion qu'a provoqué cette épidémie suite au chambardement du programme des événements dont les dates sont fixées pour l'année 2020. Comment comptent réagir ces agences face à cette nouvelle donne sur le marché ? Avec un léger espoir, Mme Akli fait appel à la compréhension de ses clients pour qu'ils fassent preuve de solidarité. "Le fait de ne pas livrer ces salons à cause de l'annulation suite à des mesures préventives de santé publique ne veut pas dire que notre clientèle, nos donneurs d'ordres, ne vont pas payer le travail réalisé jusque-là et l'investissement consenti dans ce cadre", avoue-t-elle. "Nous attendons un geste de leur part à ce propos", espère-t-elle.
Ainsi, ces agences entament une deuxième année consécutive de crise après celle vécue laborieusement en 2019. "Si ça continue à ce rythme, de nombreuses agences vont réduire leurs effectifs et collaborateurs et risquent même de fermer carrément leurs locaux", déplore Leila Akli.Le même état d'esprit est observé chez Mohamed Lamine Hamidi, responsable chargé de la omra à l'agence Belila Voyages, qui se dit déconcerté par les répercussions de la suspension des voyages aux lieux saints pour la omra, entérinée par l'Arabie Saoudite dans le but d'éviter toute contamination ou propagation du coronavirus sur son territoire. À vrai dire, précise M. Hamidi, le manque d'engouement ou la baisse de la demande pour le tourisme cultuel, voire le tourisme en général, a commencé déjà en 2019 à cause de la crise économique mondiale. "Les recettes des agences spécialisées dans la omra ont sensiblement baissé avant même l'annonce de l'interdiction de ce voyage religieux par les autorités saoudiennes", relève ce jeune gérant de l'agence Belila Voyages.
Celles qui ont l'habitude de prendre en charge quelque 15 000 ou 20 000 pèlerins n'ont pu attirer que 2 000 ou 3 000 voyageurs. Et les agents qui recevaient habituellement 1 000 ou 2 000 fidèles n'ont pu satisfaire que 100 ou 200 demandes. Au début de l'exercice 2019 déjà, il a été constaté une baisse remarquable de la commande. La mesure saoudienne, affirme M. Hamidi, ne fait qu'aggraver davantage la situation des agences. Cependant, le problème est visiblement réglé pour les billets d'avion puisque toutes les compagnies aériennes concernées se sont engagées pour le remboursement. Car il existe dans le contrat des clauses qui prévoient des cas de force majeure. Il suffit d'envoyer une demande dans ce sens pour se faire rembourser.
Tourisme : baisse drastique de la demande
"Le problème se pose surtout pour l'argent déjà dépensé là-bas en Arabie Saoudite", précise Mohamed-Lamine Hamidi. Le royaume wahhabite a autorisé l'ouverture de sous-comptes pour le paiement des visas par voie électronique. Outre le billet d'avion, le produit omra est composé, faut-il le rappeler, des frais de visa et du transport terrestre sur le territoire saoudien ainsi que l'hébergement dans l'hôtel. "Les autorités saoudiennes ont apparemment trouvé un mécanisme par le biais duquel nous serons remboursés pour l'argent dépensé là-bas", indique cet agent qui tient à préciser, toutefois, que pour le moment, la procédure n'est pas encore fonctionnelle.
Pire encore, il s'interroge par quel moyen pourra-t-il récupérer son argent qui est en fait celui des pèlerins, vu que les transferts de grosses sommes en devises sont du point de vue réglementaire interdits en Algérie ? Le recours à la voie parallèle tel que cela a été fait pour l'acheminement des devises pour le paiement des prestations (frais visas et transport terrestre) sur le territoire saoudien. Le problème se pose encore avec acuité pour le remboursement des frais d'hébergement par les gérants des hôtels à La Mecque. Il se pourrait que ces derniers, tel que l'a expliqué M. Hamidi, proposent d'autres solutions au lieu d'un remboursement direct. "Au lieu de nous rembourser, certains gestionnaires des hôtels nous proposent d'utiliser cet argent pour de nouvelles réservations à l'avenir, une fois la saison de la omra rouverte", affirme-t-il.
Cela dit, la quasi-totalité de cet argent n'est pas perdue, avoue le responsable de l'agence Belila Voyages. Si l'on prend l'exemple d'une agence qui a programmé une omra pour 150 personnes à raison de 165 000 DA/pèlerin et tout en tenant compte du remboursement par les compagnies aériennes du billet d'avion évalué à 80 000 DA, l'agent doit rembourser un total avoisinant les 12 000 000 DA (1,2 milliard de centimes). Mais le manque à gagner est considérable pour ces sociétés. Car, celles-ci sont doublement sanctionnées à la fois par la crise économique mondiale et les méfaits de cette épidémie du coronavirus. En outre, si l'opération est relancée dès le mois d'avril prochain, cela coïncidera avec la haute saison qui est celle des mois de chaâbane et ramadhan. Et avec les retards cumulés, il est impossible que La Mecque reçoive à la fois tous les pèlerins du monde entier qui étaient en attente.
Ce qui contraindra certainement les autorités saoudiennes à recourir au système de quotas pour chaque pays. Et dans pareil cas, les prix pratiqués jusque-là vont connaître indubitablement une hausse. "Une omra fixée auparavant à 200 000 DA sera proposée désormais à 300 000 DA", indique Mohamed-Lamine Hamidi qui explique cette augmentation par le fait que l'agence n'a pas travaillé durant toute une année. "C'est le seul moyen pour payer toutes les charges et le manque à gagner", précise-t-il.
En revanche, si la suspension de la omra est maintenue, d'innombrables agences dont les seuls revenus proviennent de ce voyage religieux, mettront inévitablement la clef sous le paillasson. Les compagnies aériennes souffrent également des restrictions imposées aux voyageurs. Air Algérie, à titre d'exemple, vient de suspendre l'ensemble ou une partie de ses vols à destination des pays européens. La fréquentation des hôtels a enregistré déjà une nette baisse, constatent les professionnels du secteur qui évoquent une situation préjudiciable.



Badreddine KHRIS


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