Les rédacteurs de la mouture ont introduit pas moins d'une vingtaine de dispositions qui semblent faire écho aux doléances du mouvement associatif et de la classe politique et consacrées par les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Même s'il ne s'agit pour l'heure que d'un avant-projet, donc éligible à subir des modifications, la mouture portant révision constitutionnelle distribuée jeudi aux personnalités nationales et académiques, aux partis, aux associations et autres syndicats tranche singulièrement avec la Constitution de 2016, particulièrement dans son volet relatif aux "droits fondamentaux et libertés publiques". Inspirés sans doute par le constat des lacunes contenues dans la loi fondamentale adoptée en 2016, notamment l'absence de garanties juridiques pour l'exercice effectif des libertés, les rédacteurs de la nouvelle mouture ont ainsi introduit pas moins d'une vingtaine de dispositions qui semblent faire écho aux doléances du mouvement associatif et de la classe politique et consacrées par les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Finies désormais les contraintes bureaucratiques pour la création des associations ou pour les manifestations publiques puisque les rédacteurs préconisent, comme cela se fait sous d'autres latitudes, l'adoption du régime déclaratif. "L'exercice des libertés de réunion et de rassemblement publics sur simple déclaration" et "liberté de création des associations sur simple déclaration et dissolution en vertu d'une décision judiciaire", lit-on dans la mouture. La liberté de création des partis politiques est également renforcée. La recommandation, en attendant l'élaboration d'une loi spécifique, renvoie, selon toute vraisemblance, à alléger les conditions et les procédures pour tout groupe de personnes désirant fonder une formation politique. "La loi ne doit pas comporter des dispositions de nature à entraver la liberté de création des partis politiques. L'administration s'abstient de toute pratique de nature à entraver le droit de créer les partis politiques", dispose encore l'avant-projet. Autres dispositions, entre autres : "Protection de l'exercice des cultes sans discrimination", une recommandation qui répond visiblement aux préoccupations des communautés Ahmadi et chrétiennes dont l'exercice du culte était confronté à des entraves, suscitant même les critiques des ONG et de certains organismes internationaux, et "consécration constitutionnelle de la liberté de la presse sous toutes ses formes et interdiction du contrôle préalable sur cette liberté". Comme pour protéger l'exercice des droits fondamentaux et les libertés publiques contre d'éventuelles velléités d'entraves, les rédacteurs de la mouture préconisent "l'introduction d'une disposition portant obligation aux institutions et pouvoirs publics de respecter les dispositions constitutionnelles en relation avec les droits fondamentaux et les libertés publiques". "Malgré l'élargissement du domaine des droits et des libertés lors de la révision de 2016, comme la liberté de la presse, de conscience, la liberté de création et la liberté de recherche académique et scientifique, l'effort n'a pas eu l'effet escompté sur le plan pratique en raison de l'absence de garanties juridiques qui devaient accompagner cette concrétisation constitutionnelle des libertés", expliquent les rédacteurs dans l'exposé des motifs. Un bémol, cependant : ces droits et libertés peuvent être limités, en vertu d'une loi, s'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. "Interdiction de limiter les droits fondamentaux et libertés publiques qu'en vertu d'une loi et pour des raisons liées à la protection de l'ordre public et la protection d'autres droits et libertés consacrés par la Constitution", dispose la mouture. De quoi ménager une marge de manœuvre pour le législateur pour apprécier toute action dont on aura jugé au préalable qu'elle est attentatoire à l'ordre public, un concept aux contours flous au demeurant. Si les nouvelles dispositions introduites peuvent s'avérer, a priori, comme une avancée notable dans la consécration des droits et des libertés publiques, il reste que le choix adopté pour la révision de la Constitution, conjugué à la légitimité des institutions appelées à l'adopter, ne manqueront pas de faire l'objet de polémique dans le contexte politique actuel et dans les semaines à venir. "Le problème n'a jamais été le texte de loi constitutionnel, mais l'esprit et le processus d'élaboration, d'adoption des Constitutions, qui ont étés jusque-là toujours imposées au peuple et n'ont jamais été authentiques dans le sens de traduire la volonté réelle du peuple algérien et des consensus-compromis construits dans la société, entre le peuple, l'Etat et les pouvoirs", commente Saïd Salhi, vice-président de la Laddh.