La Cour d'appel d'Oran a condamné, lundi dernier, Bahlat Ilyes à six mois de prison ferme pour exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national. L'homme est sanctionné pour avoir partagé une publication dénonçant la fuite présumée de passagers de Marseille du complexe des Andalouses où ils étaient en confinement à leur arrivée, le 14 mars. "Quand j'ai vu que des chaînes de télévision algériennes avaient démenti l'information, j'ai immédiatement supprimé le post", a relaté l'accusé lors de l'audience en visioconférence en se défendant d'avoir eu une intention malveillante. En fait, Ilyès Bahlat, hirakiste 35 ans, avait publié sur la page "Oran avant tout" un post reprenant l'information qu'Imène M., résidant à Aïn Turk, avait diffusée à travers un enregistrement vidéo dans lequel elle alertait sur le fait que des voyageurs avaient réussi à déjouer la surveillance des services de sécurité pour échapper à la quarantaine. La jeune femme, qui s'est rétractée dans une seconde vidéo, a été interpellée le 2 avril et présentée devant la justice. Imène a, cependant, été laissée en liberté et devrait être jugée en citation directe dès la levée du confinement. Le 19 avril dernier, Ilyès Bahlata a, lui, été condamné à une année de prison ferme avec mandat de dépôt, à l'issue d'un procès en comparution directe au tribunal d'Aïn Türk, en l'absence de ses avocats. Devant la Cour d'appel, en réponse au procureur de la République qui a requis l'aggravation de la peine, les avocats de la défense ont souligné plusieurs anomalies procédurales qui constituent, selon eux, autant de motifs d'annulation du verdict prononcé en première instance et la relaxe de leur mandant. Ils ont notamment remis en cause la compétence du tribunal d'Aïn Türk "inapte à juger un justiciable résidant hors de son territoire", dénoncé "la procédure de présentation et de comparution de Bahlat, jugé et condamné en l'absence d'une défense", et la légèreté du dossier d'accusation "qui ne comporte aucun élément soutenant l'accusation prévue par l'article 96 du code pénal". Pour les neuf avocats qui ont tenu à défendre Ilyes Bahlat, la "condamnation arbitraire" de leur client vise à restreindre la liberté d'expression. Un autre avocat ira plus loin dans sa plaidoirie en épinglant les services de sécurité qui, plutôt que de déclencher une enquête pour déterminer la véracité ou non des faits dénoncés par Imène, ont préféré s'en prendre aux "lanceurs d'alerte". S. Ould Ali