Ilyès Bahlat, hirakiste d'Oran âgé de 35 ans, a été condamné le 19 avril dernier à une année de prison ferme avec mandat de dépôt, à l'issue d'un procès en comparution immédiate qui s'est tenu au tribunal correctionnel de Aïn Turk, à l'insu de ses proches et de son avocate, Me Fadhila Mghaïzro. L'homme était poursuivi pour le chef d'accusation d'exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national (art. 96 du code pénal), en l'occurrence pour avoir partagé sur sa page facebook "Oran avant tout", un enregistrement vidéo portant sur les passagers d'un navire en provenance de Marseille mis en confinement au complexe des Andalouses en mars dernier. Selon l'auteure du post résidant à Aïn Turk, Imène M., certains voyageurs avaient réussi à déjouer la surveillance des services de sécurité pour éviter la mise en quarantaine et rentrer chez eux. La jeune femme, qui s'est rétractée dans une seconde vidéo, n'en a pas moins été interpellée le 2 avril et présentée devant la justice pour répondre de l'accusation prévue par l'article 96, mais aussi pour outrage et violences à fonctionnaires de l'Etat (art. 144). Imène, qui a été laissée en liberté, devait être jugée en citation directe le 14 avril, mais en raison des mesures de prévention prises par le ministère de la Justice depuis l'apparition du coronavirus, son procès a été reporté. Ilyès Bahlat, quant à lui, a été convoqué par la gendarmerie d'Oran à deux reprises, une semaine avant d'être traduit devant la justice, selon ses proches. "Il a été jugé et condamné sans la présence de la défense… Quand je lui ai rendu visite à la prison, il m'a dit qu'il avait été pris dans un tourbillon, qu'il ne savait pas comment réagir… C'est un homme simple, plombier de son état, qui n'est pas au fait des procédures judiciaires…", a déclaré Me Fadhila Mghaïzro, avocate d'Ilyès, en s'insurgeant contre les "circonstances anormales" qui ont conduit son client à être condamné sans que ses proches n'aient été mis au courant. "Après l'appel inquiet de sa sœur (Ilyès n'avait plus donné signe de vie après une troisième convocation de la gendarmerie le 19 avril, ndlr), je me suis rendue au tribunal de Cité Djamel, ensuite à celui de Aïn Turk. C'est là que j'ai appris qu'il avait été jugé sans avocat et condamné à une année de prison avec mise sous écrou", a relaté l'avocate qui a interjeté appel de cette condamnation le 21 avril. La sœur d'Ilyès a confirmé que son frère avait été entendu par la gendarmerie à deux reprises avant ce jour fatidique du 19 avril. "Il n'était pas inquiet lorsqu'il a répondu à la troisième convocation. Il m'a dit que ce n'était rien de grave, et puis, il n'a plus donné signe de vie. C'est à ce moment-là que j'ai alerté Me Mghaïzro", a-t-elle indiqué, jeudi, encore sous le choc. La nouvelle de la condamnation d'Ilyès Bahlat dans ces circonstances opaques a suscité une vague d'indignation à la fois chez les hirakistes et chez des avocats du collectif de la défense du Hirak, qui ont dénoncé "un procès en catimini" en s'engageant à représenter Ilyès en appel.