Le président Bouteflika ne cache pas l'arrière-plan de ce référendum, conçu, apparemment, comme un nouveau chèque en blanc. L'implication vigoureuse du président Bouteflika dans la campagne électorale délivre plusieurs lectures. C'est bien sûr son propre projet, qu'il n'a de cesse de peaufiner depuis sa première élection en 1999, inauguré par un référendum sur la concorde civile et la grâce amnistiante qui, aux yeux des juristes, devait, ipso facto, torpiller le régime de probation devant encadrer efficacement le pardon et le recyclage des repentis. C'est pourquoi, ses meetings sur le nouveau projet donnent cette impression du déjà entendu. Mais, à lire entre les lignes, l'approche est tout de même nouvelle. Bouteflika reconnaît les dérives de l'Etat durant la décennie noire, les justifie et les absout. Mais, comme dans une vente concomitance, il exige plus de compassion pour les repentis, à qui, il a demandé pardon publiquement. La charte devrait être accompagnée par une batterie de lois qu'elle ne mentionne pas. La seule certitude est qu'il ne saurait être question d'une quelconque réhabilitation de l'ex-FIS, interdit depuis 1992. Ensuite, la campagne est émaillée de mises en garde sur des dangers qui menaceraient encore le pays ! Tout se passe comme si la violence n'est plus résiduelle. Là, Bouteflika n'hésite pas à recourir aux vieilles recettes du genre l'ennemi étranger est aux aguets. Ce n'est pas qu'un thème pour contrecarrer l'hypothèse de défection d'un électorat fatigué de voir reporter à d'autres horizons les chantiers qui devraient sortir le pays d'une crise, aujourd'hui, plus socioéconomique qu'identitaire. L'abstention est prise au sérieux par le FLN, dont le numéro un est un proche de Bouteflika. Cet incessant recours à un motif d'une autre époque vise, également, à donner un sens confortable aux manifestations violentes, qui embrasent, de façon récurrente, le pays. La main de l'étranger dans les révoltes contre la malvie procède, aux yeux de ceux qui ne sont pas tout miel avec le pouvoir, d'un calcul visant à instaurer, demain, une vrai chape de plomb. Bouteflika, lui-même, mentionne sa charte comme une étape pour d'autres initiatives. Ceux qui ne sont pas acquis à sa démarche pensent que le référendum du 29 septembre devrait ouvrir la voie à la révision de la Constitution. À propos de laquelle le Président n'a jamais caché son aversion, l'estimant pas tout à fait conforme à ses idées sur le pouvoir et son édifice institutionnel, qui sont traduits, par ailleurs, par la réduction à une peau de chagrin des acquis et libertés démocratiques. Dans sa campagne, les digressions de Bouteflika sur le multipartisme et la démocratie ne sont pas anodines. Bouteflika, qui depuis le début refusait d'être un “trois quart de président”, avoue qu'aujourd'hui encore des forces du pouvoir seraient contre sa démarche ! Pourtant, cet été a vu le départ des derniers éléments de l'Etat sécuritaire, mis à la retraite où nommés hors du pays. Dans ces conditions, de tels aveux pourraient plutôt être assimilés à une ruse électorale. Un remake du référendum de 1999, lorsque des généraux devaient prendre pour leurs galons. De fait, Bouteflika a fait de la campagne référendaire sa propre campagne, occupant tous les espaces. Même les partis de sa coalition ont dû se contenter de rôles de simples caisses de résonance. Un peu comme s'il voulait délivrer au FLN, RND et MSP, qu'ils n'ont rien à attendre de lui, sauf à continuer de le soutenir, sans conditions. Le référendum, c'est aussi pour transcender sa coalition, qui n'a de cesse de piaffer d'impatience pour un retour d'ascenseur. L'issue du référendum ne fait d'autant pas de doute que, seules les voix pour ont droit au chapitre. Voilà longtemps que les victimes du terrorisme ont dû se résoudre au silence. Quant à l'opposition, elle ne s'est pas encore remise de ses échecs ou, plus juste, des coups qui lui sont inlassablement assénés. Le référendaire est, de toute évidence, joué d'avance. D. Bouatta