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Le raz-de-marée est également un handicap
Après le plébiscite de jeudi
Publié dans Liberté le 02 - 10 - 2005

Le référendum devrait se traduire par l'adoption d'une vingtaine de textes. Il s'agira de légiférer sur un terrain extrêmement sensible.
Et maintenant ? En théorie, la question ne devrait pas se poser puisque Bouteflika est mandaté par l'écrasante majorité des électeurs pour initier les mesures jugées par lui indispensables. Le ministre de l'intérieur n'y est pas allé par quatre chemins pour annoncer que c'est un plébiscite pour la démarche du Président.
Pour traduire le référendum, il faudra une vingtaine de lois, mais la tâche n'est pas aussi aisée car, il s'agira de légiférer sur un terrain extrêmement sensible.
L'ampleur du succès du référendum est aussi un handicap, car Bouteflika devra renvoyer l'ascenseur à tout le monde et non seulement pour ses soutiens. Est-ce possible, une réparation qui satisfait toutes les parties ? La charte a fait l'impasse sur ce dilemme mais sa campagne électorale, malgré son air de parti unique, a montré les écueils qui attendent Bouteflika sur ce terrain. Les victimes du terrorisme continuent à poser l'équation pardon = vérité et ils ont pour eux le temps qui finit par rattraper l'amnésie et le déni de l'histoire. Tandis que les radicaux de l'islamisme jurent de n'avoir concédé que sur le Fis, les repentis en vue n'ont cesse de clamer ne pas abandonner leur projet d'une daoula islamique, quel que soit le recyclage qui leur sera proposé.
La formule de Bouteflika “ni Etat islamique, ni Etat laïc” est trop imprécise. Entre ces deux options ne s'intercale que le système en vigueur, éculé et hybride et, qui, historiquement, est au bout de ses limites.
L'Egypte, qui est aux sociétés et systèmes arabes ce que sont les Etats-Unis pour le monde occidental, bruit de fureurs contre le pouvoir pharaonique de Moubarak.
Ce dernier, admettant n'être repassé qu'avec 20% de voix, sait qu'il est guetté par kifaya (ça suffit) dont la vague ne cesse d'enfler. L'après-charte, qui s'est précisée au fil de la campagne électorale, devrait être la révision constitutionnelle avec, à la clef, selon Saïd Sadi du RCD, un “mandat pour l'éternité”. Ce que Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN, le parti de Bouteflika, a confirmé : plus de limitation à deux mandats et, en 2009, ce ne sera plus un quinquennat mais un septennat.
La perspective d'un glissement vers un régime totalement présidentiel n'est pas à écarter. Bouteflika n'a jamais caché son aversion pour la Primature, qu'il conçoit comme un animateur de l'équipe gouvernementale, et le bicaméralisme, qu'il a, de toutes les façons, réduit à une simple caisse de résonance. Bouteflika a le mérite de dire ce qu'il pense de la démocratie, laquelle à ses yeux n'a “jamais été une demande de la société” et n'a engendré qu' “anarchie et désordre”.
Ce ne sont pas des propos en l'air pour l'opposition, qui estime que le référendum de jeudi a sonné la fin de récréation démocratique. L'échiquier politique, à interpréter les exigences du FLN, devrait changer : le RND d'Ouyahia devant s'incliner face au parti de Bouteflika. Son niet à tamazight a, théoriquement, scellé le sort du chef du gouvernement mais, il n'y a pas que cela dans la balance, quand bien même le FLN l'a condamné en tant que dernier résidu de la période janviériste. Le reflux du clone du FLN poserait tout de même un problème de forme à l'alliance présidentielle où il représente sa face moderniste pour l'étranger, dont l'Algérie est devenue une pièce assez importante mais également dans le pays où la frange ouverte sur l'universel reste assez considérable, malgré son laminage et ses désappointements.
La question est si après avoir incarné — durant son premier mandat —, les aspirations à la modernité de démocrates et de républicains, Bouteflika peut changer de cap et n'agréer dans son nouvel échafaudage que des conservateurs et des islamistes ? L'opposition en est d'autant plus persuadée que le Président, qui n'est plus l'otage de généraux, a réuni entre ses mains tous les pouvoirs. Quoi qu'il en soit, Bouteflika ne peut plus invoquer les “lignes rouges”, il doit désormais assumer seul sa politique.
Le handicap du pouvoir personnel est que celui qui l'exerce se trouve paradoxalement affaibli car, ne disposant pas même de fusibles en cas de pépins.
Or, le pays n'est pas encore tout à fait vacciné dans ce domaine. Les retards sont considérables et les ressentiments peuvent être d'autant plus aigus que les coffres du pays sont pleins.
D. Bouatta


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